La Nouvelle Revue du Travail

Travail et organisation dans le secteur public : la fascination du privé ?, n°2 / 2013

La Nouvelle Revue du Travail est une revue scientifique où le travail est pensé comme une notion transversale au carrefour de différents courants de la sociologie des organisations, des institutions, des relations professionnelles, des professions, de l'emploi, du genre, de la clinique, de l'innovation, du management, etc. La Nouvelle Revue du Travail se propose d'être un lieu de débat théorique et épistémologique plutôt qu'un support à l'exposé d'applications de telle théorie à un nouveau terrain. Elle privilégie les articles qui organisent le double va-et-vient entre le terrain et la théorie d'une part et entre les niveaux micro et macro sociologiques d'autre part. Elle conduit à favoriser les lectures plurielles, issues des différentes disciplines, en particulier l'histoire, la psychanalyse, la psychologie, l'économie, la gestion, la philosophie, le droit, l'ergonomie, la linguistique sociale… Publiée uniquement en ligne en accès ouvert sur revues.org, le premier numéro a paru le 10 décembre 2012.

Le secteur public connaît des évolutions directement liées aux transformations du capitalisme français : contraintes à faire preuve de compétitivité et à réduire leurs coûts, les administrations et les dernières entreprises publiques ont vu progressivement se transformer leurs objectifs et évoluer leurs modes de gestion et d'organisation du travail. Le modèle de la firme privée dans ses multiples déclinaisons devient la référence pour l'ensemble des appareils d'État et des entreprises publiques. Au nom de la « réforme permanente de l'État », l'introduction du Nouveau management public met en concurrence les services, les collectifs de travail et les individus. Comment s'opèrent la production puis la diffusion des valeurs managériales incarnant la modernisation dans le secteur public ? Quels sont les contenus de ces modèles managériaux ? Comment se mettent en place ces nouveaux modèles de gestion ? Comment le passage du concept d'usager à celui de client transforme-t-il les métiers dans le secteur public ? Le dossier du n°2 de la Nouvelle Revue du Travail traite ces questions en montrant aussi comment les missions originelles du service public sont affectées par l'importation inédite de ces pratiques commerciales, gestionnaires et managériales.

Depuis sa création en 2004, le Contrat de Partenariat Public-Privé (PPP) a été promu comme un outil pour améliorer l'efficacité économique des projets publics. Les pouvoirs publics sont donc censés faire leur apprentissage de gestion de projet en s'appuyant sur ce modèle privé. Elisa Penalva et Emmanuel Lazega montrent que ce type de partenariat institue une nouvelle mise en relation des secteurs privé et public, où le secteur bancaire finit par occuper une place centrale.

Christophe Nosbonne éclaire, lui, les mutations de l'action publique en analysant les conséquences du tournant managérial pris par le secteur public depuis les années 1980 dans le contexte européen. Il explique que le présupposé d'efficacité et de rentabilité du modèle gestionnaire s'est peu à peu imposé, produisant in fine une perte de sens et un amaigrissement du service public. Olivier Dembinski révèle comment la mise en chiffre de l'activité en psychiatrie est devenue le fondement d'une nouvelle régulation du secteur, les acteurs se trouvant désormais tenus de se référer à ce cadre gestionnaire : ainsi la science gestionnaire a-t-elle progressivement confisqué le débat sur la santé elle-même.

S'appuyant sur une étude de cas, celle de l'Institut français de Stockholm, qui a abandonné une partie de ses activités au profit d'autres actions de coopération, Christophe Premat démontre comment, au fil des années, la viabilité économique du réseau culturel de la France à l'étranger devient la condition de sa pérennité.

John Cultiaux expose les évolutions des compromis sociaux ayant conduit à la mutation de l'entreprise de télécom Belgacom. Son analyse contribue à une meilleure compréhension de la dimension idéologique des réformes que connaissent aujourd'hui les entreprises publiques et les possibilités de renouvellement de la critique sociale.

Jean Finez, quant à lui, met en évidence que la réorganisation des chemins de fer en France, entamée à la SNCF dès les années 1960, est autant le fait des évolutions impulsées par l'État ou par les institutions européennes que de celles impulsées par des dirigeants favorables à l'orientation marchande de la SNCF.

Prenant appui sur le cas d'une grande entreprise du secteur public, Valérie Boussard s'interroge sur le rôle des cadres dans les transformations des entreprises publiques, et notamment dans leur mutation vers un modèle néolibéral. Elle montre comment les managers centrés sur la dimension d'organisation gestionnaire connaissent des trajectoires professionnelles beaucoup plus ascendantes que les cadres centrés sur le « métier ».

Finalement, analysant les données des enquêtes permettant de comparer secteur public et secteur privé, Alex Alber montre une large diffusion des pratiques managériales prônées par le New public management (EIA, parts salariales variables), bien que celles-ci débouchent plus rarement que dans le privé sur des conséquences concrètes.

 

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