Dezède : un site pour la mémoire du spectacle et du concert

Lettre de l'InSHS Arts et littérature

#OUTILS DE LA RECHERCHE

Conçu par des musicologues privilégiant l’approche historique de leur discipline, Dezède est né en 2012 d’une ambition, celle de réunir au sein d’une unique base de données des informations normalisées sur l’activité au jour le jour des théâtres lyriques et des salles de concert tant en France qu’à l’étranger, tant à notre époque qu’au cours des siècles précédents.

Quel opéra donne-t-on à voir à l’Académie royale de musique (l’Opéra de Paris) le 28 août 1825 ? Quelles œuvres sont interprétées le 16 octobre 1881 par l’orchestre de la Société des concerts populaires d’Angers ? Quels sont les interprètes de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy à l’Opéra-Comique le 12 septembre 1940 ? L’idée était de constituer une base de données la plus large possible et de la mettre à la disposition des chercheurs et chercheuses s’intéressant en priorité à l’étude de la diffusion, de la réception et des conditions de représentation des œuvres.

Dix ans plus tard, la base réunit une masse critique d’informations sans pouvoir naturellement se rapprocher d’une inaccessible exhaustivité. À ce jour, Dezède contient 60 000 événements dont la reconstitution s’appuie sur des sources référencées ou consultables sous la forme de reproductions (images ou transcriptions) ou grâce à des liens hypertextes. Dezède étant une base de données réflexive, ce travail a nécessité l’établissement de 29 000 autorités d’œuvres, 21 000 d’individus et 10 000 de lieux. Le site est devenu l’un des principaux portails français dédiés à l’histoire des spectacles et des concerts en France du xviiie siècle à nos jours.

Tout en étant une ressource que l’on peut aborder dans sa globalité, la base de données est constituée de l’accumulation de dossiers particuliers. Chacun d’entre eux est réalisé par un éditeur scientifique encadré par l’un des administrateurs du site. Les dossiers se présentent sous la forme d’une chronologie d’événements dédiée à une œuvre, un lieu, une institution ou un individu. Il peut s’agir d’une société de concerts à l’image de la Société des concerts du conservatoire de Toulouse (262 événements entre 1902 et 1944), d’un compositeur (Wagner et la France ; 1 674 événements entre 1860 et aujourd’hui), d’une œuvre (le Bolero de Ravel, 681 événements entre 1928 et 1945) ou d’une institution (le Théâtre des Arts de Rouen, 16 577 événements entre 1776 et aujourd’hui).

Progressivement, Dezède s’est enrichi d’autres fonctionnalités. Il est devenu une solution d’archivage et de valorisation puisqu’il est désormais le site hébergeur des Archives de l’Opéra Comique (25000 images). Dezède accueille également une bibliothèque numérique constituée d’ouvrages consacrés aux arts du spectacle, et plus particulièrement des travaux portant sur des théâtres régionaux, qu’il est possible d’indexer. C’est aussi un outil pédagogique puisqu’il est utilisé par des enseignants et enseignantes de plusieurs universités pour initier des étudiants de licence à la recherche et pour permettre à d’autres, en master, d’apporter leur contribution à un projet collectif. Enfin, son contenu est désormais accessible en quatre langues.

Plus encore, comme le permet et même l’encourage l’outil numérique, Dezède a développé des moyens de faire vivre le site tant à l’échelle des chercheurs et chercheuses qu’à celle des usagers et des professionnels du spectacle. Projet scientifique, Dezède a toujours été pensé comme un instrument d’animation, de valorisation et de diffusion de la recherche. Une « communauté » se réunit désormais une fois par an dans le cadre de l’« Atelier Dezède » accueilli par la Fondation Royaumont. Hébergé sur hypotheses.org, le Carnet Dezède permet de présenter à un public élargi les nouveaux dossiers au moment de leur mise en ligne. Désormais, les données de Dezède sont consultables depuis Isidorela collection qui leur est dédiée rassemble actuellement plus de 54000 documents. Au côté de ces développements s’adressant en priorité à la communauté scientifique, Dezède explore des moyens de toucher un public plus large notamment sur les réseaux sociaux. Après Facebook et Twitter, le compte Instagram dont il vient de se doter répond à l’ambition de valoriser le contenu de Dezède en en montrant les potentialités, en priorité aux étudiants et étudiantes, afin d’approfondir leur connaissance de la musique et des arts du spectacle, de leur histoire et de leur réception.

Dezède se veut un projet contributif capable d’accueillir des chercheurs et chercheuses de divers horizons. Il peut s’agir non seulement d’universitaires, à l’image des trois fondateurs et administrateurs du site, Joann Élart (Université de Rouen Normandie), Yannick Simon (Université Toulouse — Jean Jaurès) et Patrick Taïeb (Université Paul-Valéry — Montpellier 3), mais aussi d’enseignants et enseignantes ne dépendant pas du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Mesri), d’étudiants et étudiantes (dans le cadre ou non d’un projet conduisant à la rédaction d’un mémoire de master ou de doctorat), ou d’amateurs éclairés. Tous les contributeurs, une fois leur projet accepté par le comité scientifique, bénéficient de l’encadrement de l’un des administrateurs du site.

Sur le plan institutionnel, Dezède est actuellement la propriété de deux universités (université de Rouen Normandie et université Paul-Valéry — Montpellier 3) et bénéficie aussi du soutien financier de la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société de Toulouse (MSHS-T, UAR3414, CNRS/Université Fédérale Toulouse–Midi-Pyrénées). La gestion du projet est assurée par l’université de Rouen Normandie. Hébergé sur les serveurs de la TGIR Huma-Num, Dezède est une ressource numérique open-source référencée par le numéro d’ISSN 2269-9473. Il fait désormais partie du consortium Musica 2 récemment labellisé par la TGIR Huma-Num. Dezède est librement consultable en ligne.

Les Concerts Pasdeloup (1861-1887)

Le dossier consacré aux Concerts Pasdeloup réunit les programmes des 593 concerts donnés par cet orchestre entre 1861 et 1887. Les usagers des actuels concerts symphoniques seraient bien étonnés d’en lire la liste des œuvres, certaines totalement oubliées, d’autres répétées plusieurs fois par saison, suivant une pratique aujourd’hui disparue. Ce dossier est aussi un site compagnon dans la mesure où il est l’annexe d’un ouvrage dédié à cette société de concert et à son fondateur1 . Cette fonctionnalité peut s’avérer très utile pour des étudiants et étudiantes travaillant sur l’histoire du concert et/ou des spectacles dans la mesure où un outil d’exportation permet l’extraction des données sur un fichier pdf pouvant aisément se transformer en annexe d’un mémoire de master ou de doctorat.

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Événement du 27 octobre 1861

L’orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie (1998-2020)

Réunissant plus de deux mille événements, ce dossier constitue la mémoire de l’activité d’un orchestre sur plus de deux décennies et démontre les capacités de Dezède à archiver en temps réel l’activité d’une institution culturelle. À cette dimension patrimoniale pouvant intéresser les usagers de l’orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie vient s’ajouter l’accumulation de ressources précieuses pour réaliser une étude du répertoire des orchestres symphoniques français et de leur évolution au xxie siècle. Ce dossier a été réalisé dans le cadre d’un projet de recherche financé par la région Normandie (2019-2021).

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© Opéra de Rouen Normandie

Héberger et valoriser les archives de l’Opéra Comique

L’Opéra Comique, l’une des trois plus anciennes institutions théâtrales françaises, a fait numériser une grande partie de ses archives à l’occasion de son tricentenaire célébré en 2015. Animé par une volonté de faire connaître cet inestimable patrimoine au plus grand nombre, le choix a été fait de le mettre en ligne sur Dezède où plus de 22 000 images sont désormais accessibles.

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© Archives nationale de France (AJ13 1128)

 

  • 1Voir à ce sujet : Simon Y. 2011, Jules Pasdeloup et les origines du Concert populaire, Symétrie

Contact

Yannick Simon
Professeur à l’Université Toulouse - Jean Jaurès, Maison des sciences de l’homme et de la société de Toulouse

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