Palmarès réussi pour le label Archéologie 2022-2023 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

Distinctions Archéologie

L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres a décidé de décerner son label Archéologie, pour 2022 et 2023, à neuf missions, dont huit sont dirigées par des chercheurs et chercheuses rattachées à des unités copilotées par le CNRS. Réparties sur les cinq continents, ces dernières couvrent un large champ chronologique s’étendant de la Préhistoire récente au Moyen Âge ; elles se distinguent aussi par l’importance de leurs résultats, ainsi que par leurs projets d’avenir, et contribuent grandement au rayonnement de l’archéologie française.

Ces missions d’excellence sont les suivantes :

La mission archéologique d’Albalat (Espagne), dirigée par Sophie Gilotte

Chargée de recherche CNRS au sein du laboratoire Histoire, Archéologie, Littérature des mondes chrétiens et musulmans médiévaux (CIHAM, UMR5648, CNRS / Avignon Université / ENS de Lyon / Université Lumière Lyon 2 / Université Lyon III Jean Moulin), Sophie Gilotte est archéologue et historienne de l’art, spécialiste de l’Occident musulman médiéval. Ses travaux de recherche portent principalement sur le peuplement rural, l’islamisation et les zones de marge. Elle dirige depuis 2009 l’équipe franco-espagnole responsable du programme archéologique sur le site d’Albalat en Estrémadure, soutenu, entre autres, par la Casa de Velázquez et le MEAE. Le projet Albalat a pour objet le site médiéval éponyme, qui abrite les vestiges d’un bourg islamique fortifié, occupé entre le xe et le xiie siècle et situé au bord du Tage. Édifié par les musulmans avant d’être perdu une première fois puis repris au début du xiie siècle, Albalat est détruit définitivement en 1142 par des milices urbaines chrétiennes dans le contexte de la conquête d’Al-Andalus. Les fouilles menées sur ce site offrent un témoignage de la vie quotidienne d’une société frontalière d’Al-Andalus, marquée par l’instabilité territoriale. La découverte d’un réseau urbanistique complexe et de nombreux artefacts ont révélé aux chercheurs et chercheuses des coutumes particulières à la communauté d’Albalat telles que l’engouement pour les jeux de plateau (dont les échecs), l’écriture sur céramique ainsi que des techniques décoratives peu connues dans l’art d’Al-Andalus. En 2019, Sophie Gilotte a remporté le Prix spécial du Jury du Prix Clio d'Archéologie pour l’ensemble de ses travaux.

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La mission archéologique de Taposiris Magna-Plinthine (Égypte) dirigée par Bérangère Redon

Chargée de recherche CNRS au sein du laboratoire Histoire et Sources des Mondes Antiques (HiSoMA, UMR5189, CNRS / ENS de Lyon / Université Lumière Lyon 2 / Université Lumière Lyon III), Bérangère Redon est historienne et archéologue. Elle est spécialiste de la présence gréco-romaine en Égypte, des pratiques balnéaires en Égypte romaine et hellénistique ainsi que des rencontres entre cultures égyptienne et grecque. Elle dirige depuis 2018 la mission archéologique de Taposiris Magna-Plinthine. Cette mission est menée dans le nord-ouest l’Égypte, à quarante kilomètres d’Alexandrie, dans les bourgs de Plinthine et Taposiris, qui ont tous deux connu de longues périodes d’occupation. Les fouilles archéologiques se concentrent sur les vestiges d’époque ramesside à saïte (du XIIIe au VIe siècle av. J.-C) à Plinthine et sur l’étude du port de Taposiris à l’époque romaine et byzantine. Ces deux sites antiques, situés sur une crête rocheuse séparant la mer Méditerranée et le lac Maréotis, à la marge de l’Égypte, sont systématiquement associés dans les sources antiques, ce qui explique leur exploration conjointe. En 2019, la campagne archéologique menée à Plinthine a mis au jour des blocs inscrits mentionnant Ramsès II, qui attestent de l’existence d’un temple, certainement édifié pendant le règne du pharaon. Un travail de modélisation 3D, grâce à la photogrammétrie et au relevé des courbes de niveau, est en cours afin de restituer ces importantes découvertes au grand public. Ainsi, il est désormais possible de visiter le fouloir saïte de Plinthine à l’aide de lunettes 3D et prochainement, il sera possible de visiter le site antique en ligne.

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La mission archéologique suisse-franco-soudanaise de Kerma/Doukki Gel dirigée par Séverine Marchi

Séverine Marchi est ingénieure de recherche en archéologie au CNRS au sein de l’équipe Mondes Pharaoniques du laboratoire Orient et Méditerranée (UMR8167, CNRS / Collège de France / EPHE / Sorbonne Université / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Ses principaux thèmes de recherche concernent l’archéologie urbaine et domestique dans la vallée du Nil, au Soudan et en Égypte. Depuis 2013, elle codirige la mission suisse-franco-soudanaise de Kerma-Doukki Gel (Soudan). Ses recherches se concentrent sur l’habitat domestique et l’étude du mobilier. Kerma et Doukki Gel, deux cités de la Nubie antique, se situent à un kilomètre l’une de l’autre en amont de la troisième cataracte du Nil, au nord du Soudan. Les vestiges découverts sur ces deux sites témoignent de leur occupation continue de la période du Kerma ancien (qui débute vers 2500 av. J.-C) jusqu’à l’époque méroïtique (qui prend fin vers 350 ap. J.-C), sur près de trois millénaires. Les prochaines fouilles prévues à Doukki Gel, en fin d’année 2022, devraient concerner un vaste édifice circulaire repéré lors de prospections géomagnétiques au nord de la concession archéologique, permettant ainsi de compléter l’étude de la topographie urbaine du site. De plus, le Centre d’information du site de Doukki Gel ouvrira en fin d’année 2022 afin de présenter les travaux de la mission ainsi des photos aériennes et des restitutions 3D, à destination du grand public.

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Le programme paléoanthropologique franco-iranien dirigé par Gilles Berillon

Directeur de recherche CNRS au sein du laboratoire Histoire Naturelle de l’Homme Préhistorique (HNHP, UMR7194, CNRS / MNHN / Université de Perpignan Via Domitia), Gilles Berillon est paléoanthropologue. Spécialiste de la préhistoire de l’Homme dans le Plateau Central Iranien qui est une zone de migration entre Afrique et Eurasie, il est responsable du Programme paléoanthropologique franco-iranien, qu’il a initié en 2002. Ce programme s’intéresse à la diversité culturelle des populations humaines du Paléolithique en Eurasie méridionale et a pour objectif de vérifier l’hypothèse que la présence humaine dans cette région est antérieure à 80 000 ans (Pléistocène supérieur). Dans le cadre de ce projet, plusieurs sites préhistoriques ont été découverts et fouillés dans la région qui couvre l’Alborz Central jusqu’au Nord du Plateau Central Iranien, notamment les sites de Garm Roud et Mirak puis la grotte de Qaleh Kurd. Les découvertes laissent penser que deux humanités, les Néandertaliens puis les Hommes modernes, ont pu y vivre successivement, mais en l’absence de vestiges humains, cette hypothèse n’a pas été prouvée. La grotte de Qaleh Kurd, déjà explorée par des spéléologues, a fait l’objet de fouilles en 2018 et 2019, qui ont révélé deux séquences sédimentaires. Ces trois sites préhistoriques ont ainsi révélé des traces d’occupations humaines entre 55000 et 21000 av. J.-C (Pléistocène supérieur) à Garm Roud et Mirak et il y au moins 150 000 ans (Pléistocène moyen) à Qaleh Kurd, prouvant que différentes humanités ont peuplé cette région iranienne. Les prochaines fouilles, centrées sur les restes de dents humaines, permettront sans doute d’établir les aspects biologiques de ces populations. En 2021, Gilles Berillon a reçu la médaille d’argent du CNRS, récompensant l’importance et la qualité de ses travaux reconnus au niveau national et international.

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Le projet de recherche sur le secteur Río Bec (Mexique) dirigé par Eva Lemonnier

Membre du laboratoire d’Archéologie des Amériques (ARCHAM, UMR8096, CNRS / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Eva Lemonnier est maître de conférences en ethnologie, préhistoire et anthropologie biologique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Depuis 2019, elle dirige le Projet Río Bec 2, situé sur la péninsule mexicaine du Yucatán dans l’État de Campeche. Cette mission archéologique et paléoenvironnementale s’intéresse essentiellement à l’architecture, la chronologie et l’espace de Río Bec. Les fouilles ont révélé qu’aux alentours de 550, le système agraire et l’architecture de l’habitat ont connu des bouleversements. Elles ont aussi mis au jour trois groupes monumentaux dotés de stèles avec des inscriptions royales, correspondant à trois périodes distinctes (Préclassique, Classique Ancien et Classique Récent), ayant pu avoir une dimension politique. Ces trois groupes monumentaux sont au centre des études menées par le Projet Río Bec 2, qui a deux objectifs principaux : d’une part, établir la chronologie du pouvoir politique, qui semble avoir été précocement partagé entre les chefs locaux issus de lignées hiérarchisées au détriment de la royauté divine, qui gouvernait dans les terres plus au Sud ; et d’autre part, préciser la nature du système agraire, fournissant les ressources alimentaires des habitants de Río Bec. Le projet vise plus largement à mieux appréhender l’organisation socio-économique des élites mayas de la période Classique (250 à 900 ap. J.-C) et de leur transition politique précoce vers un régime caractéristique du Postclassique (900 à 1521 ap. J.-C) qui se solde par des tentatives infructueuses de mise en place d’un pouvoir royal.

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Le projet « Enclaves polynésiennes au Vanuatu » dirigé par Frédérique Valentin

Directrice de recherche CNRS au laboratoire Technologie et Ethnologie des Mondes PréhistoriqueS (TEMPS, UMR8068, CNRS / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Université Paris Nanterre), Frédérique Valentin est anthropologue, spécialiste de la préhistoire des îles du Pacifique, de l’anthropologie biologique ainsi que de l’archéologie funéraire. Frédérique Valentin concentre plus précisément ses recherches sur les comportements socio-culturels de peuples européens du Mésolithique d’une part, et sur l’histoire du peuplement de la Mélanésie du sud et de la Polynésie occidentale d’autre part. Elle a codirigé plusieurs missions dans le Pacifique sur les îles de Cikobia/Naqelelevu (Fidji), l’île de Tiga en Nouvelle-Calédonie et a participé aux travaux menés sur le site de Teouma au Vanuatu. L’archipel du Vanuatu (Mélanésie) est au centre du programme de recherche qu’elle dirige sur les « enclaves polynésiennes », qui cherche à caractériser les migrations polynésiennes dans les îles situées hors du triangle polynésien, en Mélanésie et en Micronésie, où se trouvent des populations qui partagent des caractéristiques culturelles polynésiennes. Le programme de recherche doit répondre à deux objectifs : d’une part, identifier les empreintes paléobiologiques et archéologiques des migrations polynésiennes durant le dernier millénaire et d’autre part, déceler les causes externes et locales qui ont engendré la migration de ces populations polynésiennes. Les recherches archéologiques, concentrées sur les îles d’Aniwa et Futuna et l’île de Tanna au sud de l’archipel, jusqu’à présent peu étudiées, ont prouvé l’ancienneté du peuplement de ces îles, daté aux environs de 2800 à 2600 av. J.-C, comparable au peuplement de la Nouvelle-Calédonie et du reste du Vanuatu. Les fouilles ont mis en lumière les métissages et les échanges matériels, culturels et intellectuels. L’étude des restes humains indique également les changements biologiques subis par la population des îles Aniwa, Futuna et Tanna : les individus les plus anciens de ces trois îles présentent des affinités phénotypiques et génétiques comparables alors que les plus récents arborent une plus grande hétérogénéité phénotypique. Ces recherches sont essentielles pour établir un cadre chrono-culturel régional, encore lacunaire de nos jours.

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La mission archéologique du Sud-Est jordanien dirigée par Wael Abu-Azizeh

Chercheur à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO, USR3135, CNRS / MEAE) et membre associé de l’unité Archéorient (UMR5133, CNRS / Université Lumière Lyon 2), Wael Abu-Azizeh est archéologue. Il mène des recherches sur les populations des périphéries désertiques au Proche-Orient et leurs pratiques funéraires pendant la Préhistoire tardive (néolithique, chalcolithique, âge du bronze ancien), sur l’exploitation des ressources animales à l’Holocène et les campements pastoraux nomades, ainsi que sur les interactions sédentaires/nomades dans le désert. Depuis 2012, il co-dirige, avec Mohammad Tarawneh, la Mission Archéologique du Sud-Est Jordanien. Cette mission interdisciplinaire, faisant intervenir des géographes, des anthropologues ou encore des archéobotanistes, s’intéresse au peuplement des marges désertiques du Proche-Orient pendant la Préhistoire récente (du Néolithique au Bronze ancien) et plus précisément le peuplement du secteur des Jibal al-Kharshabiyeh à l’est d’Al-Jafr dans le Sud-Est de la Jordanie. Identifiée pour la première fois en 2013 dans cette zone de fouilles, une série de huit Desert kites a été mise au jour par la mission. Répandus au Moyen-Orient, ces dispositifs de chasse de masse, attribués à la Préhistoire récente, sont formés de longs murs convergeant vers un enclos entouré de fosses profondes, conçues pour piéger les animaux. Alors que des travaux précédents estimaient l’apparition de cette technique de chasse aux IV-IIIe millénaires av. J.-C, les structures découvertes dans le Sud-Est jordanien ont été datées vers 7000 av. J.-C, faisant de ces Desert kites les plus anciens connus à l’heure actuelle. Ces restes révèlent une pratique collective et intensive de la chasse dans un contexte temporel précoce, impliquant l’exploitation organisée des ressources animales. De plus, des restes de campements, abritant une quantité considérable d’ossements de gazelles, ont été découverts à proximité de ces structures. C’est la première fois que l’occupation associée aux populations utilisant les Desert kites est repérée au Proche-Orient. Ils renseignent ainsi sur l’organisation socio-économique des populations de chasseurs, nommées « Ghassaniens », structurée autour de la chasse de masse contrairement aux peuples sédentaires des régions voisines. Au cours de la dernière campagne, une installation rituelle complexe, dans un état de préservation exceptionnel, a été découverte dans l’un des campements de chasseurs « Ghassaniens ». La récurrence de la symbolique en référence aux Desert kites dans cette installation met en lumière l’enracinement de la chasse de masse et l’usage des Desert kites dans les pratiques rituelles, le symbolisme, l’expression artistique et la culture spirituelle de ces populations Néolithiques.

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La mission archéologique de Pétra (Jordanie) dirigée par Laurent Tholbecq

Professeur à l’Université libre de Bruxelles et membre associé de l’unité Archéologies et Sciences de l'Antiquité (ArScAn, UMR7041, CNRS / Ministère de la Culture / Université Paris Nanterre / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Laurent Tholbecq est archéologue. Il dirige depuis 2012 la mission archéologique française de Pétra, qui a récemment reçu le Grand Prix d’archéologie 2022 par la Fondation Simone et Cino Del Duca

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À propos du prix

Depuis 2017, le Label Archéologie est remis par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, fondée en 1663 et intégrée à l’Institut de France dès 1795, à des programmes de fouilles menés l’étranger. Ce label est décerné, sur proposition de la Commission des Recherches archéologiques de l’Académie, à des missions dont les candidatures sont soumises par la Commission consultative des Fouilles françaises à l’Étranger du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères. Les missions labellisées se distinguent par la qualité de leurs résultats, leur contribution au rayonnement international de l’archéologie française et leurs projets futurs. Le Label Archéologie confère aux missions archéologiques une autorité supplémentaire auprès du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères et auprès du pays où se déroulent les fouilles.

Contact

Sophie Gilotte
Chargée de recherche, Histoire, Archéologie, Littérature des mondes chrétiens et musulmans médiévaux
Bérangère Redon
Chargée de recherche, Histoire et Sources des Mondes Antiques
Séverine Marchi
Ingénieure d’études en archéologie, Orient et Méditerranée
Gilles Berillon
Directeur de recherche, Histoire naturelle de l’Homme préhistorique
Eva Lemonnier
Maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, rattachée au laboratoire Archéologie des Amériques
Frédérique Valentin
Directrice de recherche, Technologie et Ethnologie des Mondes PréhistoriqueS
Wael Abu-Azizeh
Chargé de recherche, Institut français du Proche-Orient
Laurent Tholbecq
Professeur à l’Université libre de Bruxelles, membre du laboratoire Archéologies et Sciences de l'Antiquité