Les filles sont plus susceptibles que les garçons d’attribuer leurs échecs à un manque de talent

Résultats scientifiques Economie/gestion

Des travaux récents ont montré qu'il existe des stéréotypes dépeignant les hommes comme intrinsèquement plus talentueux que les femmes. Dans un article publié dans Science Advances, Clotilde Napp et Thomas Breda montrent à partir de l'enquête internationale PISA que ces stéréotypes sont présents dans la quasi-totalité des 72 pays étudiés, qu'ils sont plus forts parmi les élèves très performants et, paradoxalement, dans les pays plus développés. Les auteurs mettent en avant ce stéréotype comme un élément contribuant à maintenir le plafond de verre, notamment dans les pays développés.

Selon une vaste étude sur les stéréotypes de genre publiée par deux chercheurs du CNRS1 dans la revue Science Advances, partout dans le monde, les filles sont plus susceptibles que les garçons d’attribuer leurs échecs à un manque de talent.

De tels stéréotypes concernant le manque de talent des filles ont déjà été explorés par le passé, mais ce nouveau travail a l’avantage de reposer sur l'étude internationale PISA, regroupant 500 000 étudiants à travers plus de 70 pays. L'enquête de 2018 demandait en particulier aux étudiants de réagir à l'affirmation « Quand j’échoue, j’ai peur de ne pas avoir assez de talent ». Résultat : dans 71 des 72 pays étudiés, même à performances égales, les filles sont plus enclines à attribuer leurs échecs à un manque de talent que les garçons, qui sont eux plus susceptibles d’incriminer des facteurs externes.

Les différences sont plus prononcées parmi les bons élèves, ce qui paraît naturel concernant un stéréotype de moindre talent. En revanche, contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, les différences sont plus prononcées dans les pays riches et égalitaires. Dans ces pays, les normes de genre ne disparaissent pas mais semblent se reconfigurer : on y reconnaît en effet davantage de compétences aux filles que dans d'autres pays, mais on leur attribue en revanche moins de talent, relativement aux garçons. Cela pourrait en partie s'expliquer par le fait que les pays plus développés sont très tournés vers la réussite individuelle et accordent une plus grande importance à la notion même de talent, laissant ainsi plus de place au développement de stéréotypes s'y rapportant.

Les chercheurs ont d'autre part montré qu’il existe une forte corrélation entre les stéréotypes de moindre talent des filles et trois des différences beaucoup étudiées par le passé entre les filles et les garçons, en particulier en lien avec l'existence du plafond de verre : les différences de confiance en soi, d'attrait pour la compétition et de choix d'orientation. Dans les pays où les stéréotypes de moindre talent des filles sont plus forts, les filles ont moins confiance en elles, comparativement aux garçons, elles sont moins compétitives et également moins disposées à travailler dans des professions élitistes et à prédominance masculine. Tous ces éléments peuvent contribuer à les empêcher d'accéder aux postes les plus élevés.

Cette étude montre qu'il est important de prendre en compte les stéréotypes concernant le moindre talent des filles pour mieux comprendre un certain nombre de différences entre filles et garçons et, en particulier, le plafond de verre. Mettre moins l'accent sur l'idée que le talent serait quelque chose d'inné et davantage sur le fait qu'il s'acquiert à force de s'entraîner, d'essayer et d'échouer, permettrait sans doute de réduire ces stéréotypes et, avec eux, un certain nombre d'inégalités de genre.

  • 1Clotilde Napp est chercheuse CNRS au laboratoire Dauphine Recherches en Management (DRM, UMR7088, CNRS / Université Paris Dauphine - PSL). Thomas Breda est chercheur CNRS au sein de l’unité Paris Jourdan Sciences Économiques (PJSE, UMR8545, CNRS / EHESS / ENS Paris / École des Ponts ParisTech / Inrae / Université Paris 1 Panthéon Sorbonne).

Référence :

Napp C., Breda T. 2022, "The stereotype that girls lack talent: A worldwide investigation", Science Advances, March 9, vol. 8, Issue 10

Contact

Clotilde Napp
Directrice de recherche CNRS, Dauphine Recherches en Management
Thomas Breda
Chargé de recherche CNRS, Paris Jourdan Sciences Économiques