Assis, debout : alterner sa position du corps pour améliorer sa performance
La position assise est omniprésente dans nos sociétés modernes. Or, la littérature montre que de jeunes adultes réussissent mieux des tâches courtes de bureau en étant debout plutôt qu’assis. Dans une étude publiée dans la revue Applied Ergonomics, Cédrick Bonnet, chargé de recherche CNRS au laboratoire Sciences cognitives et sciences affectives (SCALab, UMR9193, CNRS / Université de Lille), et son équipe montrent aussi que de jeunes adultes réussissent mieux une succession de tâches d’attention réalisée en alternance assis et debout plutôt que tout le temps assis. L’alternance assis-debout semble de plus favoriser la productivité et la santé générale de la population.
Aujourd’hui, les individus sont assis partout et tout le temps. Ils sont assis en salles de réunion, en salles de visio-conférence, en salles de classe, dans les transports publics et privés, pendant les repas, au cinéma, en concert, en cours de musique, en églises, en salles d’attente, etc.. Plus de la moitié de la population mondiale est assise plus de huit heures par jour, soit plus de la moitié de la journée éveillée. Les travailleurs en bureau sont même assis entre 11,2 et 12,8 heures par jour. Il semble donc évident que l’efficacité au travail est meilleure assise que debout. Mais cet avis n’est pas unanime.
L'équipe de recherche lilloise fait l’hypothèse que toute personne devrait réaliser de meilleures performances non seulement en étant debout plutôt qu’assis lors de tâches courtes de bureau (inférieures à 15-20 minutes), mais aussi en alternant les positions assis et debout lors de tâches successives d’une durée supérieure à 20-30 minutes. Ce bénéfice serait présent tant que la personne ne serait pas fatiguée et/ou gênée à force d’être debout. Or, la position debout stationnaire est très vite fatigante.
Au moins deux raisons essentielles expliquent pourquoi toute personne serait plus efficace debout qu’assise (avant toute fatigue) ? Premièrement, en étant assis, notre attention s’éteindrait petit à petit à l’image d’un endormissement progressif. En effet, notre corps est généralement inerte en restant assis. Au contraire en se tenant debout, il n’est pas possible de s’endormir car le corps doit maintenir un tonus actif pour se tenir debout et maintenir l’équilibre. Deuxièmement, l’attention sélective serait meilleure si l’individu est suffisamment mis sous pression (ou sous contrainte). En d’autres termes, l’individu parviendrait mieux à focaliser son attention sur des éléments pertinents de la tâche à accomplir en étant sous pression. En ce sens, l’attention sélective pourrait donc être meilleure debout qu’assise.
Plusieurs études ont déjà montré que l’attention et la performance pouvaient être meilleures debout qu’assis lors de tâches expérimentales courtes, confirmant ainsi la première hypothèse discutée plus haut. Pour vérifier la deuxième hypothèse, notre équipe a récemment testé si l’alternance assis-debout toutes les 6-7 minutes pouvait apporter de meilleures attention et performance qu’en restant continuellement assis.
Dans notre étude récente, vingt-quatre jeunes adultes sains ont réalisé successivement six tâches d’attention, soit en restant tout le temps assis, soit en alternant les positions assis et debout. Les résultats ont montré que les participants avaient besoin de moins d’attention visuelle (mesurée grâce au nombre de clignements des yeux) en condition d’alternance. La performance était quant à elle meilleure debout qu’assis, tant dans la condition d’alternance (comparaison des résultats assis/debout) qu’entre conditions. En 2024, une autre étude a elle aussi montré que l’alternance de positions du corps trois fois vingt minutes amenait un meilleur éveil, une réduction des efforts et améliorait les résultats physiologiques et cognitifs qu’en restant tout le temps assis. D’autres études antérieures avaient déjà mis en valeur que l’alternance de positions pouvait être bénéfique à la performance.
En terme pratique, ces découvertes récentes amènent à penser qu’il serait bénéfique pour la performance d’alterner régulièrement les positions assis et debout tout au long de la journée au bureau. Cette alternance permettrait de rester le plus longtemps debout sans être fatigué ou trop gêné par des problèmes physiques. En outre, la littérature montre déjà que l’alternance assis-debout au bureau, en utilisant des bureaux assis/debout, serait bénéfique pour la productivité (performance à long terme), notamment en libérant les individus des problèmes physiques causés par une position assise excessive. Rester moins assis serait même bénéfique pour la santé physiologique, psychologique et cognitive des individus.
En conclusion, notre société moderne nous a conditionné être excessivement assis, plus particulièrement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec bon nombre de facilitations au travail (par exemple, la mécanisation toujours plus précise, le confort du quotidien notamment avec les réfrigérateurs et les congélateurs, les moyens de transport, les ordinateurs, internet et le télétravail). Mais le trop de confort nuit à notre performance, notre productivité et notre santé et nous devons tout faire pour être moins souvent assis et moins longtemps. L’utilisation judicieuse de bureaux assis/debout semble être aujourd’hui la meilleure alternative pour les travailleurs en bureau, qui sont les plus affectés par la position assise excessive. De nouvelles études doivent être conduites sur les bureaux assis/debout pour découvrir quelle dynamique posturale est judicieuse, c’est-à-dire la plus bénéfique pour la performance, la productivité et la santé à court et long terme.