Anthropologie et Covid-19. États, expériences et incertitudes en temps de pandémie

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L’association AMADES (Anthropologie Médicale Appliquée au Développement et à la Santé), associée à ses partenaires institutionnels et scientifiques, organise un colloque international francophone multisites, intitulé « Anthropologie et Covid-19. États, expériences et incertitudes en temps de pandémie ». Ce colloque vise à questionner, par la recherche en anthropologie, la crise sanitaire provoquée par la pandémie à SARS-CoV-2 et la manière dont celle-ci vient renouveler les objets et les méthodes de la discipline.

Dans les situations épidémiques, les anthropologues ont souvent joué un rôle important pour observer et décrire le quotidien en transformation et analyser le sens des mutations durables, dans les Nords comme dans les Suds. Ils ont aussi été actifs dans l’urgence des situations, comme c’est le cas depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid (Carillon et al., 2021 ; Keck, 2020a ; Kra et al., 2020). Ils interviennent pour tenter d’éclairer et de faire reculer les peurs au sein des communautés, produire des savoirs utiles pour faciliter et adapter les réponses en étudiant en temps réel l’impact sociétal et global des crises sanitaires (Baxerres C., Dussy D. & Musso S , 2021 ; Desclaux & Anoko, 2017 ; Vidal & Kuaban, 2011 ; Craddock & Giles-Vernick, 2010). Dans le contexte de pandémie à Coronavirus, ils ont aussi été mobilisé pour étudier l’ensemble de la vie en société, de l’intime au politique, qui connaît un ébranlement inédit.

Pour comprendre et analyser « sur le vif » mais aussi avec recul cette crise sanitaire, on peut s’appuyer sur des travaux anthropologiques antérieurs. En effet, les liens entre l’anthropologie et le champ des maladies infectieuses sont anciens et débordent l’intérêt pour les grandes crises épidémiques de la fin du 20ème siècle (Bonnet & Jaffré, 2003 ; Jaffré & Olivier de Sardan, 1995 ; Marchal, 1978).

L’épidémie du sida semble néanmoins avoir joué un rôle de catalyseur, opérant un rapprochement sans précédent entre les sciences de la vie, les politiques et professionnel∙les de santé, les malades et les chercheur∙es en anthropologie, fondé sur une volonté commune de trouver des solutions aux enjeux concrets de la pandémie (Mulot, 2020 ; Bureau-Point, 2016 ; Héritier, 2013 ; Desclaux & Raynaut, 1997 ; Musso, 2001, 1997 ;Vidal, 1994). Parallèlement, dans les épidémies de fièvre hémorragique à virus Ebola qui ont eu lieu en Afrique centrale et plus récemment en Afrique de l’Ouest, l’anthropologie s’est également pleinement investie pour comprendre les représentations de la contagiosité, le rapport à la mort et les reconfigurations des rites funéraires en contexte d’épidémie, et la redéfinition des politiques publiques (Gomez-Teresio & Le Marcis, 2017 ; Moulin, 2015 ; Epelboin, 2009). Par ailleurs, les émergences de zoonoses, et notamment celles relatives à de nouveaux virus respiratoires, ont également été des lieux privilégiés pour l’analyse anthropologique de nos relations avec les espèces animales. Les rapports entre les humains et les animaux ont été redéfinis, notamment dans leur organisation spatiale, mais aussi pensés, analysés et utilisés, pour se préparer voire prévenir de nouvelles zoonoses et pandémies (Keck & Morvan, 2021 ; Keck 2020b). Le notion d’ « Une seule santé » a été confortée par la mise en évidence des relations de dépendance entre les humains, les animaux et l’environnement. Par conséquent, toutes ces recherches constituent aussi des voies fécondes par lesquelles saisir les transformations historiques et contemporaines des politiques de santé publique locales et globales (Moulin & De Facci, 2021 ; Bourrier, 2019 ; Collier et al., 2004). Aidée de financements désormais entièrement dédiés à la recherche sur les aspects socio-culturels et politiques de certaines pathologies (VIH/sida, hépatites virales, Ebola, cancers), l’anthropologie a gagné en légitimité sur le grand échiquier de la recherche, des sciences biomédicales et des politiques de santé, dans les Nords et les Suds.

Qu’en est-il avec la pandémie de Covid-19 ? Quels rapprochements cette nouvelle pandémie suscite-t-elle entre les pouvoirs publics, les professionnel∙les de santé, les usagers des systèmes de santé et les chercheur∙es en anthropologie ? En France, l’anthropologie a été représentée dès le premier Conseil scientifique Covid-19, institué le 11 mars 2020 par le Ministre de la Santé pour éclairer la décision publique dans la gestion de la crise, laissant croire à une capitalisation des acquis des recherches sur les épidémies précédentes. Des appels à projets ANR « flash » et « recherche-action » ont été ouverts, intégrant un volet sciences humaines et sociales (Gaille & Terral, 2020). Parallèlement à ces réponses institutionnelles, et plus prosaïquement, il convient d’interroger comment les recherches anthropologiques sont déployées « sur le terrain », sur la base de quels dialogues et de quelles collaborations. Quels sont les apports et les limites de la discipline dans la compréhension de cette situation et des enjeux éthiques qui en émergent ?

La pandémie à Coronavirus a été présentée comme un événement inédit, alors que c’est véritablement son traitement politique qui a constitué une réponse inédite à cet événement, la transformant en crise sanitaire. Le mode de décisions gouvernementales très verticales, le recours à des politiques d’isolement des personnes malades ou des cas contacts, de confinement, de couvre-feux, de nationalisme et protectionnisme sanitaires et le contrôle policier et sécuritaire de leurs applications ont distingué les pays selon le choix de pratiques politiques et judiciaires en matière santé publique. Les « mondes de la santé publique » (Fassin, 2021) ont été reconfigurés au croisement de logiques politiques, sécuritaires, économiques, éthiques, écologiques qui ont plus que jamais déterminé la santé des individus et des économies, produisant de fortes inégalités face à la vie et à la mort. La forte politisation de l’épidémie à tous les stades de sa gestion n’a cessé d’interroger l’éventualité d’une véritable démocratie sanitaire, et la possible implication d’un patient expert.

Dans le sillage des travaux en anthropologie de la santé et de la maladie, une attention particulière sera accordée à l’étude des conduites sociales et des catégories émiques auxquelles elles s’articulent (Olivier de Sardan, 1998), au façonnage de ces pratiques par des discours et campagne de réduction des risques, et aux processus de réception, d’appropriation et d’acceptation des mesures de prévention. Il s’agira aussi d’analyser les pratiques d’acteurs déployées dans le cadre des relations de soins, les dimensions sensibles de ces expériences et les catégories socio-affectives (Jaffré, 2006) qui participent à la construction de ces conduites sociales. En outre, un intérêt particulier sera porté aux conditions, pratiques et terrains d’enquête en situation de pandémie, aux enjeux et défis auxquels fait face l’anthropologie durant cette pandémie, et aux contraintes rencontrées par les anthropologues pour produire des éléments de réponses aux problématiques politiques, sociales et sanitaires posées.

Les travaux présentés durant ce colloque traiteront d’un ensemble important de thématiques, parmi lesquelles celles relatives aux expériences et aux formes de la maladie, du point de vue des soigné∙e∙s comme des soignant∙e∙s, et recouvrant par exemple les questions liées aux formes asymptomatiques, sévères, bénignes ou longues de la maladie ; celles relatives aux inégalités intersectionnelles et territoriales face à la santé, à l’accès aux soins, aux vaccins, à la vie et à la mort, et face aux traitements policiers de l’épidémie ; celles traitant des conséquences de la pandémie sur les systèmes et les politiques de santé ainsi que sur les pratiques des professionnel∙les du soin ; celles portant sur les mesures de santé publique, à différentes échelles, et notamment sur leurs transformations ou sur leurs effets et leurs réceptions sur les populations ; celles en lien avec la diffusion des informations et les formes de mobilisations autour des traitements, des vaccins et des controverses scientifiques et médicales, par exemple ; ou encore celles portant sur les relations entre santé environnementale et crises épidémiques.

Dans les situations épidémiques, les anthropologues ont souvent joué un rôle important pour observer et décrire le quotidien en transformation et analyser le sens des mutations durables, dans les Nords comme dans les Suds. Ils ont aussi été actifs dans l’urgence des situations, comme c’est le cas depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid (Carillon et al., 2021 ; Keck, 2020a ; Kra et al., 2020). Ils interviennent pour tenter d’éclairer et de faire reculer les peurs au sein des communautés, produire des savoirs utiles pour faciliter et adapter les réponses en étudiant en temps réel l’impact sociétal et global des crises sanitaires (Baxerres C., Dussy D. & Musso S , 2021 ; Desclaux & Anoko, 2017 ; Vidal & Kuaban, 2011 ; Craddock & Giles-Vernick, 2010). Dans le contexte de pandémie à Coronavirus, ils ont aussi été mobilisé pour étudier l’ensemble de la vie en société, de l’intime au politique, qui connaît un ébranlement inédit.

Pour comprendre et analyser « sur le vif » mais aussi avec recul cette crise sanitaire, on peut s’appuyer sur des travaux anthropologiques antérieurs. En effet, les liens entre l’anthropologie et le champ des maladies infectieuses sont anciens et débordent l’intérêt pour les grandes crises épidémiques de la fin du 20ème siècle (Bonnet & Jaffré, 2003 ; Jaffré & Olivier de Sardan, 1995 ; Marchal, 1978).

L’épidémie du sida semble néanmoins avoir joué un rôle de catalyseur, opérant un rapprochement sans précédent entre les sciences de la vie, les politiques et professionnel∙les de santé, les malades et les chercheur∙es en anthropologie, fondé sur une volonté commune de trouver des solutions aux enjeux concrets de la pandémie (Mulot, 2020 ; Bureau-Point, 2016 ; Héritier, 2013 ; Desclaux & Raynaut, 1997 ; Musso, 2001, 1997 ;Vidal, 1994). Parallèlement, dans les épidémies de fièvre hémorragique à virus Ebola qui ont eu lieu en Afrique centrale et plus récemment en Afrique de l’Ouest, l’anthropologie s’est également pleinement investie pour comprendre les représentations de la contagiosité, le rapport à la mort et les reconfigurations des rites funéraires en contexte d’épidémie, et la redéfinition des politiques publiques (Gomez-Teresio & Le Marcis, 2017 ; Moulin, 2015 ; Epelboin, 2009). Par ailleurs, les émergences de zoonoses, et notamment celles relatives à de nouveaux virus respiratoires, ont également été des lieux privilégiés pour l’analyse anthropologique de nos relations avec les espèces animales. Les rapports entre les humains et les animaux ont été redéfinis, notamment dans leur organisation spatiale, mais aussi pensés, analysés et utilisés, pour se préparer voire prévenir de nouvelles zoonoses et pandémies (Keck & Morvan, 2021 ; Keck 2020b). Le notion d’ « Une seule santé » a été confortée par la mise en évidence des relations de dépendance entre les humains, les animaux et l’environnement. Par conséquent, toutes ces recherches constituent aussi des voies fécondes par lesquelles saisir les transformations historiques et contemporaines des politiques de santé publique locales et globales (Moulin & De Facci, 2021 ; Bourrier, 2019 ; Collier et al., 2004). Aidée de financements désormais entièrement dédiés à la recherche sur les aspects socio-culturels et politiques de certaines pathologies (VIH/sida, hépatites virales, Ebola, cancers), l’anthropologie a gagné en légitimité sur le grand échiquier de la recherche, des sciences biomédicales et des politiques de santé, dans les Nords et les Suds.

Qu’en est-il avec la pandémie de Covid-19 ? Quels rapprochements cette nouvelle pandémie suscite-t-elle entre les pouvoirs publics, les professionnel∙les de santé, les usagers des systèmes de santé et les chercheur∙es en anthropologie ? En France, l’anthropologie a été représentée dès le premier Conseil scientifique Covid-19, institué le 11 mars 2020 par le Ministre de la Santé pour éclairer la décision publique dans la gestion de la crise, laissant croire à une capitalisation des acquis des recherches sur les épidémies précédentes. Des appels à projets ANR « flash » et « recherche-action » ont été ouverts, intégrant un volet sciences humaines et sociales (Gaille & Terral, 2020). Parallèlement à ces réponses institutionnelles, et plus prosaïquement, il convient d’interroger comment les recherches anthropologiques sont déployées « sur le terrain », sur la base de quels dialogues et de quelles collaborations. Quels sont les apports et les limites de la discipline dans la compréhension de cette situation et des enjeux éthiques qui en émergent ?

La pandémie à Coronavirus a été présentée comme un événement inédit, alors que c’est véritablement son traitement politique qui a constitué une réponse inédite à cet événement, la transformant en crise sanitaire. Le mode de décisions gouvernementales très verticales, le recours à des politiques d’isolement des personnes malades ou des cas contacts, de confinement, de couvre-feux, de nationalisme et protectionnisme sanitaires et le contrôle policier et sécuritaire de leurs applications ont distingué les pays selon le choix de pratiques politiques et judiciaires en matière santé publique. Les « mondes de la santé publique » (Fassin, 2021) ont été reconfigurés au croisement de logiques politiques, sécuritaires, économiques, éthiques, écologiques qui ont plus que jamais déterminé la santé des individus et des économies, produisant de fortes inégalités face à la vie et à la mort. La forte politisation de l’épidémie à tous les stades de sa gestion n’a cessé d’interroger l’éventualité d’une véritable démocratie sanitaire, et la possible implication d’un patient expert.

Dans le sillage des travaux en anthropologie de la santé et de la maladie, une attention particulière sera accordée à l’étude des conduites sociales et des catégories émiques auxquelles elles s’articulent (Olivier de Sardan, 1998), au façonnage de ces pratiques par des discours et campagne de réduction des risques, et aux processus de réception, d’appropriation et d’acceptation des mesures de prévention. Il s’agira aussi d’analyser les pratiques d’acteurs déployées dans le cadre des relations de soins, les dimensions sensibles de ces expériences et les catégories socio-affectives (Jaffré, 2006) qui participent à la construction de ces conduites sociales. En outre, un intérêt particulier sera porté aux conditions, pratiques et terrains d’enquête en situation de pandémie, aux enjeux et défis auxquels fait face l’anthropologie durant cette pandémie, et aux contraintes rencontrées par les anthropologues pour produire des éléments de réponses aux problématiques politiques, sociales et sanitaires posées.

Les travaux présentés durant ce colloque traiteront d’un ensemble important de thématiques, parmi lesquelles celles relatives aux expériences et aux formes de la maladie, du point de vue des soigné∙e∙s comme des soignant∙e∙s, et recouvrant par exemple les questions liées aux formes asymptomatiques, sévères, bénignes ou longues de la maladie ; celles relatives aux inégalités intersectionnelles et territoriales face à la santé, à l’accès aux soins, aux vaccins, à la vie et à la mort, et face aux traitements policiers de l’épidémie ; celles traitant des conséquences de la pandémie sur les systèmes et les politiques de santé ainsi que sur les pratiques des professionnel∙les du soin ; celles portant sur les mesures de santé publique, à différentes échelles, et notamment sur leurs transformations ou sur leurs effets et leurs réceptions sur les populations ; celles en lien avec la diffusion des informations et les formes de mobilisations autour des traitements, des vaccins et des controverses scientifiques et médicales, par exemple ; ou encore celles portant sur les relations entre santé environnementale et crises épidémiques.

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