La revue Droit et Cultures : promouvoir l’anthropologie juridique et l’anthropologie du droit

16 juillet 2025

Droit et Cultures est une revue dont la réflexion est centrée sur les phénomènes normatifs et les analyses juridiques. Fondée en 1981 par Raymond Verdier, elle était initialement spécialisée en anthropologie et histoire du droit. Aujourd’hui, seule revue française d’anthropologie juridique et d’anthropologie du droit, elle occupe une place décisive pour le développement scientifique de ces disciplines en tant que branches des sciences juridiques. 

Mobilisant les dynamiques même du droit, elle est la seule revue francophone dans un panorama dominé par la langue et l’approche anglo-saxonnes de la discipline. Alors que l’anthropologie juridique et l’anthropologie du droit sont de moins en moins enseignées dans les structures universitaires, la revue assure leur visibilité et leur expression en France, dans lechamp francophone et en perspective avec son approche anglo-saxonne. Compte tenu de son ouverture internationale, interdisciplinaire et comparative, elle a depuis plusieurs années acquis le statut de revue internationale interdisciplinaire.

Si la dénomination d’anthropologie juridique est d’usage courant alors que celle d’anthropologie du droit est moins usitée, ces disciplines s’inscrivent toutes les deux parmi les branches de la recherche juridique. N’ayant pas la même fonction dans le processus réflexif sur le droit, elles sont complémentaires. 

L’anthropologie du droit a pour objet les dynamiques de régulation de la vie sociale. S’intéressant notamment aux rapports que les sociétés entretiennent avec la pluralité du droit, elle affine l’étude de la fabrique des normes et des interactions entre systèmes juridiques, portant le regard jusque sur la fonction du droit dans l’ordre social. L’anthropologie juridique, en partage avec les anthropologues, se saisit de la forme du droit et vise la connaissance des systèmes dans lesquels évolue la règle. Dans sa dimension juridique, elle propose une théorie générale et une philosophie du droit dans son pluralisme. 

La combinaison de ces champs d’étude du juridique permet, dès lors, de se concentrer sur les processus par lesquels des ensembles de normes peuvent intervenir sur les comportements et représentations des sociétés humaines, voire les modifier. Dans ces cadres, le droit est appréhendé comme un moyen pour des études sur l’humain en tant que membre d’un groupe social. 

Droit et Cultures a ainsi pour objet d’interroger l’idée de droit, des droits, du droit en référence à un système de valeurs, de normes et de cultures qui révèlent les formes dynamiques d’agencement social ou sociétal. Elle a pour originalité de contribuer à l’étude et à la connaissance des comportements humains, des structurations sociétales à partir de l’observation des terrains, de l’énonciation des faits et de l’analyse des phénomènes juridiques. Le défi de la revue est de s’affranchir de la réduction du phénomène juridique à une version unique et de promouvoir une lecture plurielle des faits culturels : cela implique d’appréhender les représentations, les discours et les pratiques des acteurs. Les cultures, les organisations sociales et politiques, les ordonnancements juridiques, dans leur diversité, invitent à repenser les modèles, les catégories et classifications ainsi qu’à documenter les fonctions tant sociales que politiques ou anthropologiques du droit.

La revue accueille toute réflexion relative à ces processus et modalités. Il en est ainsi des analyses sur la pluralité des paradigmes et sur les transformations des concepts, sur les permutations des références, sur les fluctuations des champs de recherche et des terrains d’observation dans les temps comme dans l’espace. Il en est encore des travaux sur les variations des perceptions, sur les réinterprétations des traditions, aussi bien que sur les reconfigurations des relations sociales aux échelles internationales, régionales et locales.

Elle encourage la production d’articles scientifiques illustrant les théories et les pratiques juridiques dans leur ensemble. De même, y trouvent une place les articles qui privilégient une lecture plurielle des faits culturels au travers des représentations, des discours et des pratiques des acteurs — que la perspective soit historique, ethnologique, anthropologique, sociologique ou politique —, en plus d’une conscience de la diversité des systèmes de droit.

Revue semestrielle depuis sa création, Droit et Cultures a publié nombre de dossiers thématiques ainsi que plusieurs numéros hors-série. En accès libre sur OpenEdition (sans barrière mobile) depuis 2009, la revue est en passe d’être intégralement numérisée avec le soutien de Persée. Cela rendra accessibles les articles et dossiers des numéros 1 à 47 (1981-2008) jusqu’ici disponibles uniquement en format papier, la revue ayant été diffusée par les Éditions L’Harmattan jusqu’en 2020.

Depuis cette date, en vue de répondre à son ambition de pérenniser l’apport scientifique de l’anthropologie juridique et de l’anthropologie du droit au sein des sciences sociales, la revue opère une transition qui tend à assoir son caractère structurant dans ces domaines. Ainsi, le comité de rédaction a procédé au développement de la ligne éditoriale de la revue qui se compose désormais de trois axes principaux :

  1. Le droit, les normes et normativités (vus) d’ici et d’ailleurs (spatialement, géographiquement, culturellement, institutionnellement).

  2. Les méthodologies et approches de l’anthropologie juridique et de l’anthropologie du droit.

  3. Le droit, les normes et normativités depuis le terrain.

En plus des dossiers thématiques, la revue publie des « Études » et va réactiver sa rubrique « Notes et comptes rendus de lecture ». Elle s’est dotée, de plus, d’un « Édito » dont l’objet est de situer le dossier dans l’actualité et de poser l’acuité du regard de l’anthropologie juridique et de l’anthropologie du droit sur les questions de société.

Le dernier numéro paru (87-2024/2) examine les différentes façons dont les collectifs autochtones interagissent avec les cadres légaux étatiques. Il offre un aperçu de l’agentivité de collectifs autochtones dans une production normative pluraliste et permet de diffuser un article traduit en français de l’une des figures emblématiques du droit autochtone au Canada. Les numéros à venir traiteront successivement des communs du point de vue du social, des mythes fondateurs du droit, des forces sociales et sociétales de l’adoption, puis des dynamiques culturelles des (inter)normativités.

Depuis 2020, la revue fonctionne avec l’appui d’un comité de rédaction composé d’une douzaine de chercheurs et de chercheuses français comme étrangers et qui tend à se renforcer. La rédaction est composée de trois personnes : une rédactrice en chef, une éditrice, qui a rejoint la revue en septembre 2024 grâce au soutien du CNRS, et un coordinateur éditorial indépendant. Tous les articles, qu’ils s’inscrivent dans un dossier ou dans la rubrique « Études », sont évalués en double aveugle : un membre du comité de rédaction afin d’en garantir la bonne inscription dans la ligne éditoriale de la revue, un spécialiste du domaine traité pour en assurer la rigueur scientifique. Chacune des étapes du processus éditorial est pensée afin de répondre aux exigences de qualité scientifique de la revue. 

Les instructions aux auteurs ont été précisées afin d’impliquer les responsables de dossier, les auteurs et autrices au plus proche du travail éditorial. L’évaluation a été réinventée en une grille qui permet aux évaluateurs de leur apporter conseil et soutien. En plus des liens entretenus par la rédactrice en chef avec les responsables de dossier, un entretien avec les membres du comité de rédaction leur est proposé afin de les épauler dans la finalisation du propos introductif au dossier. Ce dernier, nouvellement sollicité, tend à rendre visibles des responsables de dossier, souvent absents de la liste des auteurs du dossier qu’ils ou elles coordonnent. Il s’agit de leur donner l’opportunité de développer la problématique qui les a poussés à soumettre une proposition de dossier à la revue et d’exposer la manière dont ils ou elles ont envisagé de la traiter.

Nadia Belaïdi, rédactrice en chef, directrice de recherche CNRS, Eco-anthropologie (EA, UMR7206, CNRS / MNHN)

Droit et Cultures