Quand l’imagerie synchrotron apporte des informations inédites sur les pratiques liées à la momification des animaux en Égypte ancienne

Archéologie

Comment les Égyptiens s’approvisionnaient-ils en cadavres d’animaux nécessaires à la confection des innombrables, et aujourd’hui si populaires, « momies votives » de chats, chiens, ibis ou crocodiles ? On savait déjà que nombre de ces animaux provenaient d’élevages spécifiques ou de ramassages de charognes. Dans le cadre du programme de recherche interdisciplinaire Momies Animales et Humaines EgyptienneS (MAHES), financé par le LabEx ARCHIMEDE, une équipe de chercheurs renouvelle nos connaissances sur les pratiques rituelles dont ces momies animales étaient les objets. Ces travaux ont donné lieu à la parution d’un article dans le Journal of Archaeological Science.

Pour la première fois, des chercheurs issus des laboratoires Archéologie des sociétés méditerranéennes1 , Histoire et Sources des Mondes Antiques (HiSoMa)2 , Archéorient3 , de l’Université Montpellier 3, du Synchrotron Européen de Grenoble (ESRF), de l’American University in Cairo et du musée des Confluences à Lyon, ont analysé, à la lumière synchrotron, une momie de crocodile vieille de plus de 2000 ans, provenant de Kom Ombo (Haute Égypte). Grâce à cette technologie de pointe, l’autopsie virtuelle de l’animal a pu être réalisée sans affecter les os, chair, baumes et textiles de lin de cet objet conservé au musée des Confluences. Elle a notamment permis de déterminer la cause du décès et la composition du dernier repas du saurien. Les chercheurs ont ainsi mis en évidence que ce jeune crocodile de trois ou quatre ans avait été rapidement momifié après avoir été chassé alors qu’il vivait à l’état sauvage.

Il s’agit là du premier cas attesté pour ce mode d’approvisionnement en cadavres d’animaux destinés à la production de momies. Cette recherche, publiée en septembre 2019 dans la revue scientifique américaine Journal of Archaeological Science, ouvre de nouvelles perspectives concernant les pratiques liées à la momification des animaux en Égypte ancienne, pratiques qui s’avèrent être bien plus diverses que ce que considérait l’égyptologie jusqu’à présent. Plus globalement, elle démontre aussi la pertinence et l’importance de tels travaux interdisciplinaires dans le domaine de l’archéologie.

D’autres résultats inattendus issus des recherches du programme MAHES sont à paraître dans les mois à venir.

Cette recherche a été réalisée dans le cadre du programme MAHES (Momies Animales et Humaines EgyptienneS) financé par l’Agence Nationale de la Recherche ­— au titre du programme Investissement d’Avenir program ANR-11-LABX-0032-01 LabEx ARCHIMEDE — et par le Synchrotron Européen de Grenoble (ESRF-CFR-423).

  • 1UMR 5140, CNRS / Université Paul Valéry Montpellier 3 / Ministère de la culture.
  • 2UMR5189, CNRS / Université Lumière Lyon 2 / Université Lyon 3 Jean Moulin / Université Jean Monnet Saint-Etienne / ENS de Lyon.
  • 3UMR5133, CNRS / Université Lumière Lyon 2.
Photo et rendu 3D de la momie de crocodile MHNL 90001591 montrant une partie du contenu stomacal du crocodile ainsi que la fracture crânienne létale © ESRF/Programme MAHES

Référence

Porcier S., Berruyer C., Pasquali S., Ikram S., Berthet D., Tafforeau P. 2019, Wild crocodiles hunted to make mummies in Roman Egypt: Evidence from synchrotron imaging, Journal of Archaeological Science 110.

Contact

Stéphanie Porcier
Laboratoire Histoire et Sources des Mondes Antiques
Stéphane Pasquali
Maître de conférences en égyptologie, Université Paul-Valéry Montpellier, Laboratoire Archéologie des sociétés méditerranéennes