Transformer l’écosystème éditorial français : retour sur les deux appels à projet Édition du Fonds national pour la science ouverte (FNSO)

Lettre de l'InSHS

Odile Contat est cheffe du département diffusion des connaissances et documentation au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation (Mesri). Le département apporte un appui aux politiques nationales en matière d'information scientifique et de documentation sur les questions patrimoniales et les enjeux de la formation, accompagne la mise en œuvre du Plan national pour la Science ouverte (PNSO), coordonne les actions des établissements en matière de bibliothèques universitaires.

Le Fonds national pour la science ouverte (FNSO), un instrument de financement puissant et vertueux

L’une des mesures du premier axe « Généraliser l’accès ouvert aux publications » du premier Plan national pour la Science ouverte est la création d’un fonds pour la Science ouverte. Créé le 17 juillet 2019, le Fonds national pour la Science ouverte (FNSO) soutient financièrement des projets et des initiatives concourant au développement de la Science ouverte, afin de construire un écosystème dans lequel la science est plus cumulative, c’est-à-dire plus fortement étayée par des données, plus transparente, plus rapide et d’accès universel. Il est alimenté par des dotations ministérielles, venant notamment des économies réalisées à l’issue des négociations avec l’éditeur Elsevier et par des contributions volontaires en provenance d’établissements d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation1 . Il peut recevoir également des contributions en provenance d’associations, de fondations et de mécènes.

Le FNSO est porté par le groupement d’intérêt scientifique (GIS) FNSO, lui-même géré par le CNRS. Il a été constitué pour une durée de cinq ans renouvelables par une convention signée par les membres du comité pour la Science ouverte. Le Comité de pilotage de la Science ouverte constitue le conseil des partenaires du GIS FNSO. Cumulant 11 670 000 d’euros de ressources sur la période 2019-2021, il intervient sous la forme d’appels à projets et de soutien non seulement à des infrastructures de la Science ouverte comme HAL, bien sûr, mais aussi à des structures européennes comme le Directory of OpenAccess Books (DOAB)2 . Il met également en œuvre des actions plus ciblées.

Deux appels pour plus d’ouverture et de diversité

Les deux premiers appels du FNSO, en 2019-2020 puis en 2020-2021, ont tous deux pour périmètre l’écosystème de l’édition et de la publication ouverte. Ils ont pour objectif de renforcer les capacités nationales en matière de publication scientifique en accès ouvert en finançant des projets innovants et structurants. Ces financements d’impulsion et d’aide à l’expérimentation concernent trois volets : les infrastructures de recherche inscrites à la feuille de route nationale ; les plateformes et structures éditoriales ; les contenus éditoriaux ou contenus associant plusieurs projets éditoriaux. Y sont éligibles les universités, les organismes de recherche, les entreprises et, plus globalement, toute entité ayant pour mission principale la recherche, la diffusion des connaissances ou la gestion de données.

Les deux appels du FNSO visent à :

  • permettre la consolidation et la pérennisation des infrastructures et des plateformes déjà investies dans le développement de la Science ouverte ;
  • développer les capacités en matière de publication numérique ouverte, favoriser la production de contenus nativement numériques et l’intégration des chaînes éditoriales multi-supports ;
  • faciliter la transition des publications scientifiques vers de nouveaux modèles économiques de l’accès ouvert : financement participatif individuel ou institutionnel, collecte de fonds, offre de services, freemium, souscriptions comme modèle « subscribe-to-open » (conversion des abonnements en souscription avec ouverture des contenus), etc. ;
  • aider à la transition de revues scientifiques vers une diffusion en accès ouvert, consolider les revues ayant déjà fait ce choix et expérimenter des modèles ouverts pour les livres ;
  • encourager l’apparition de nouvelles formes de diffusion des publications scientifiques, de processus éditoriaux innovants : écritures collaboratives, évaluation ouverte par les pairs, etc. ;
  • mutualiser et rationaliser les activités ou fonctions éditoriales à l’échelle d’un établissement, d’un site, d’une région, d’un secteur disciplinaire ou à l’échelle nationale.

Le second appel insiste plus particulièrement sur certaines dimensions en visant à soutenir des structures éditoriales au même titre que les plateformes, à contribuer par des expériences pratiques à inscrire le livre dans le paysage de l’accès ouvert, à encourager les capacités de publication en accès ouvert pour les disciplines relevant des sciences, des techniques et de la médecine, à financer des projets dont l’objet est d’améliorer la qualité et la gestion des données relatives aux publications.

Une méthodologie d’évaluation robuste

La méthodologie de l’évaluation des projets est particulièrement travaillée avec une première évaluation croisée par deux à trois experts pour chaque projet. Une grande vigilance est portée au profil et au parcours professionnel des experts et rapporteurs, de manière à écarter en amont tout risque de conflit d’intérêt.

Les critères d’évaluation, publics et transparents, vont de la pertinence scientifique à l’impact potentiel, en passant par la stratégie de mutualisation et de pérennisation et le cofinancement. Chaque projet doit respecter les critères d’exemplarité du Comité pour la science ouverte qui portent sur le degré d’ouverture présent ou en devenir des initiatives. Ils se déclinent en termes de gouvernance, d’éthique et transparence, de viabilité, de réplicabilité/portabilité, de modèle économique et d’interopérabilité.

Dans un second temps, un comité de sélection international se réunit afin d’examiner et d’analyser l’ensemble des rapports d’experts, de délibérer, puis de soumettre des conclusions qui servent de base à l’arbitrage final du Comité de pilotage pour la Science ouverte.

Les comités de sélection ont été très attentifs au respect des critères de l’accès ouvert et aux engagements pris par les porteurs de projets en matière d’ouverture des contenus éditoriaux. La priorité a été donnée à des projets structurants ayant un fort impact sur l’écosystème de publication scientifique en accès ouvert. Une attention a été portée à leur articulation avec l’écosystème des infrastructures nationales et internationales, ainsi qu’à leur alignement sur les standards internationaux en matière d’identifiants, de référentiels, de qualité des métadonnées ou bien encore de licences.

Le premier appel a mobilisé cinquante-deux experts pour deux cents expertises et douze rapporteurs dans le comité de sélection international présidé par Vincent Larivière, professeur en sciences de l’information à l’université de Montréal, et Vinciane Pirenne-Delforge, professeure au Collège de France. Le second appel a nécessité cent trente-quatre expertises pour trente-quatre experts et huit rapporteurs dans le comité de délibération international présidé par Christine Durinx, directrice exécutive au Swiss Institute of Bioinformatics, et Marc Vanholsbeeck, directeur de la recherche scientifique au ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

L’ensemble des informations des deux appels FNSO, porteurs de projets, liste des experts et membres du jury, tout comme la liste des projets lauréats sont disponibles sur DataESR.

  • 1Cela a été le cas en 2019 avec la mobilisation de certains établissements : 500 000 euros par le CNRS, 100 000 euros par l’Inria et 25 000 euros par l’Ifremer.
  • 2Le DOAB répertorie les livres publiés en libre accès. Son objectif principal est d’accroître la visibilité des livres qui ont fait l’objet d’une validation par les pairs avant publication.

Appels à projets

  • Le premier appel à projets (décembre 2019) : 9 millions d’euros de financement demandés pour 105 projets déposés, dont 10 infrastructures de recherche, 39 plateformes éditoriales et 56 contenus éditoriaux. 28 % des projets déposés en sciences, techniques et médecine (STM), 51 % en sciences humaines et sociales (SHS), les 21 % restant touchant l’ensemble des autres disciplines. 86 % des projets déposés par un acteur du secteur public et 14 % par un acteur du secteur privé. Résultats publiés en octobre 2020 : 22 projets lauréats pour un soutien de 2 675 000 euros apporté à 5 infrastructures, à 7 plateformes et à 10 projets éditoriaux.

 

  • Le deuxième appel à projets (janvier 2021) : 6 millions d’euros de financement demandés par les 67 projets déposés, 36 plateformes et structures éditoriales et 31 contenus éditoriaux. 28 % des projets déposés en sciences, techniques et médecine (STM), 48 % en sciences humaines et sociales (SHS), les 24 % restant touchant l’ensemble des autres disciplines. 82 % des projets déposés par un acteur du secteur public et 18 % par un acteur du secteur privé. Les résultats publiés en novembre 2021 : 26 lauréats, 14 plateformes et structures éditoriales et 12 contenus éditoriaux, pour un soutien global de 2,20 millions d’euros.

Des résultats encourageants en matière de mutualisation et d’expérimentation

S’il est encore trop tôt pour faire un bilan de ces deux appels, les soutiens accordés par le premier appel permettront en particulier d’opérer un véritable saut qualitatif pour des infrastructures nationales essentielles dans l’écosystème français de la publication scientifique en accès ouvert. Ce sont les projets I-FAIR porté par OpenEdition, FAIREST porté par Métopes et HNSO porté par Huma-Num.

Les projets sélectionnés dans le premier appel manifestent deux tendances fortes : le développement d’outils techniques et de formats éditoriaux permettant d’articuler publications et données comme dans le projet OpenMetaPaper porté par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) pour la publication d’articles de données dans le domaine de la biodiversité ; les expérimentations en matière d’évaluation ouverte par les pairs comme pour le projet HALOWIN porté par le Centre pour la Communication Scientifique Directe (CCSD, UAR3668, CNRS / Inria / Inrae) qui vise à développer l’interopérabilité entre l’archive ouverte HAL, le service de publication Episcience, tous deux portés par le CCSD, et le service de relecture et d’évaluation de documents Peer community in (PCI). Parmi les projets relatifs aux plateformes de publication numériques, les dynamiques de mutualisation des ressources et des moyens techniques, de mise en réseau et de partage des compétences ont été privilégiées. C’est le cas, par exemple, pour le projet visant à renforcer le réseau REPÈRES, pépinière de revues émergentes en sciences humaines et sociales au sein de l’enseignement supérieur.

Via le second appel à projets, plusieurs structures éditoriales seront accompagnées dans leur dynamique de transition vers l’accès ouvert, permettant la libération de pans entiers de leurs catalogues. C’est, par exemple, le cas du projet SO PUR « La science ouverte avec les Presses universitaires de Rennes ». Par ailleurs, le soutien à la transition de revues vers des modèles de financement sans frais de publication se poursuit, à travers le modèle « s’abonner pour ouvrir », pour lequel les mathématiques jouent un rôle moteur comme en témoigne le projet SOCL porté par la Société mathématique de France. Si encore trop peu de projets concernent les livres et monographies, ils sont en revanche particulièrement innovants, comme OPEN-AUDIOLIVRES, la réalisation de livres audio numériques diffusés en libre accès par les Éditions Quae. Les projets éditoriaux s’ouvrent en outre à des formats complexes, multimédia et multidimensionnels, comme le projet Canal-U Science ouverte consacré aux vidéos. Enfin, la répartition disciplinaire des projets retenus fait apparaître une amorce de rééquilibrage en faveur des capacités de publication ouverte dans le domaine des sciences, techniques et médecine (STM).

Avec quarante-huit lauréats pour 4,80 millions d’euros en deux ans, le FNSO joue pleinement son rôle de catalyseur des transformations de l’écosystème éditorial français. L’ouverture d’une troisième session d’appels à projets sur l’édition est prévue afin de poursuivre l’ouverture des modèles éditoriaux et d’en favoriser la diversité.

Contact

Odile Contat
Cheffe du département diffusion des connaissances et documentation, ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation (Mesri)