IERDJ : un nouvel élan pour la recherche sur le droit et la justice

Lettre de l'InSHS Droit

L’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice résulte de la fusion du groupement d’intérêt public (GIP) Mission de recherche Droit et Justice (MRDJ) — créé à l’initiative du ministère de la Justice et du CNRS en 1994 afin de constituer un corpus de recherches dédiées au droit et à la justice —, et de l’Institut des Hautes Études sur la Justice (IHEJ) — association créée en 1990 à l’initiative de l’École nationale de la magistrature afin de disposer d’un think tank non institutionnel permettant d’alimenter la réflexion sur les pratiques judiciaires. Pendant ces trois dernières décennies, plus de cinq cents recherches collectives et pluridisciplinaires ont été développées et leurs résultats rendus publics sous l’égide de la MRDJ, tandis que divers groupes de réflexion et publications sur des thématiques pionnières ont vu le jour grâce à l’activité de l’IHEJ.

L’IERDJ est le fruit du travail d’une mission de préfiguration lancée en janvier 2021 pour laquelle l’apport du CNRS a été essentiel, notamment quant aux critères d’indépendance de la recherche et de rigueur scientifique.

Selon les termes de sa convention constitutive, ce nouveau groupement d’intérêt public « a pour objet la promotion d’une réflexion originale et prospective, le développement de la recherche et son soutien, ainsi que la mobilisation et la diffusion des connaissances sur les normes, la régulation juridique, les missions et le fonctionnement de la justice, dans tous les champs disciplinaires pertinents ».

L’Institut est ainsi chargé, dans la suite de la politique scientifique du GIP MRDJ, de soutenir la recherche dans tous les domaines du droit et de la justice à travers le lancement d’appels à projets de recherche « thématiques », qui répondent aux besoins des acteurs du droit et de la justice, ou « spontanés » (blancs), ces derniers permettant aux équipes de recherche de proposer des projets sur une large gamme de sujets. Chaque année, entre quinze et vingt-cinq projets nouveaux sont ainsi développés. L’IERDJ devra mobiliser toujours plus les chercheurs et chercheuses pour conduire des recherches pluridisciplinaires et collectives et pour s’intéresser à certains sujets insuffisamment explorés du droit et de la justice.

Les appels à projets de recherche lancés par l’IERDJ

L’IERDJ lancera fin janvier sa première campagne d’appels à projets thématiques avec une clôture prévue pour la mi-avril 2022. Trois thématiques prioritaires ont été retenues par l’assemblée générale des membres du groupement qui s’est réunie pour la première fois le 24 novembre 2021 :

  • Droits des générations futures : prise en compte par le droit et la justice. Ce sujet encore méconnu mobilisera de nombreux domaines disciplinaires. Quel est le périmètre de ce droit ? Qui peut ou doit parler au nom des générations futures sur des sujets aussi variés que l’environnement, la bioéthique ou la dette ? Comment le mettre en œuvre concrètement et devant quelles instances ? Avec quelles conséquences sur la politique législative ou jurisprudentielle, la définition de la règle de droit, le contrat social, etc. ?
  • Justice et société : les besoins de justice. Quelle est la demande contemporaine de justice et quelles sont les attentes que peuvent avoir nos concitoyens à son égard dans la France, l’Europe et le monde de 2022 ?
  • Identités professionnelles : pratiques et sens des métiers du droit et de la justice. Ce dernier thème englobe l’ensemble des professions de ce domaine qui s’interrogent aujourd’hui sur le devenir et le sens de leurs missions et nécessitera une vision transversale de ces sujets.

En outre, deux autres appels à projets porteront sur la thématique pluriannuelle « justice et écologie » : l’un sera axé sur l’analyse criminologique des atteintes à l’environnement, l’autre sur l’action — ou l’inaction — des services publics en la matière.

Pour rappel, la campagne de dépôt de projets spontanés de l’IERDJ est ouverte jusqu’au 18 février 2022 (date limite de dépôt des projets).

Dans le prolongement des structures antérieures, la pluri-interdisciplinarité demeure une caractéristique essentielle des travaux de l’IERDJ, qui continueront de faire appel à l’ensemble des sciences humaines et sociales, voire au-delà (sciences du numérique, sciences de la vie et de la santé, etc.) pour analyser le droit et la justice.

Les connaissances acquises grâce à ces recherches ou « produites » au sein même de l’IERDJ continueront de faire l’objet d’actions de valorisation et de transfert de connaissances dans une démarche de science ouverte telle que promue par le CNRS. La valorisation des travaux constitue un axe central de l’activité à venir de l’IERDJ. L’Institut assurera cette intermédiation pour diffuser les constats, les questionnements et les enseignements issus des travaux d’études et de recherche. Les échanges entre les universitaires, les chercheurs et chercheuses, les juridictions, les professionnels et professionnelles, les responsables publics, mais aussi l’ensemble des citoyens et citoyennes doivent être conçus et organisés de telle sorte que la compréhension et l’analyse des pratiques, des institutions ou des textes s’enrichissent. Ces apports permettront à tous de faire face aux enjeux actuels et à venir.

L’Institut se voit confier une mission supplémentaire : développer l’analyse prospective des enjeux du droit et de la justice dans notre société et dans le monde. Cet objectif n’est pas entièrement nouveau car l’IHEJ a de longue date été capable d’identifier des tendances émergentes comme l’impact de la révolution numérique. Toutefois, ce type d’analyse devra être systématisé et s’appuiera sur des méthodologies nouvelles reposant sur le triptyque « veille, exploration et analyse » ; d’autres techniques seront progressivement mises en place sur les trois années à venir.

La contribution au débat démocratique sur le rôle du droit et de la justice par l’identification des attentes et perceptions des personnes qui ont ou n’ont pas eu affaire à la justice est une autre orientation de l’IERDJ. Mieux connaître les rouages du fonctionnement réel de la justice — et des différents systèmes juridictionnels qui se croisent à l’intérieur de ce groupement — est essentiel pour développer l’accès au droit et au juge, donner sens aux métiers de la justice et démocratiser les recrutements, ou encore améliorer les procédures de travail, et bien sûr le service rendu aux citoyens et citoyennes. À cette fin, les sciences participatives seront particulièrement mobilisées permettant d’identifier et de recueillir des réflexions et savoirs auprès de non spécialistes ainsi que de non scientifiques et de les confronter et les intégrer à la recherche et l’étude.

Ce nouveau GIP répond ainsi à trois besoins essentiels : favoriser une réflexion sur le droit et la justice ouverte, transversale et pluridisciplinaire fondée sur des travaux scientifiques ; intégrer la recherche dans l’action ; prendre en considération les attentes des justiciables et des citoyens et citoyennes. Les acteurs du droit et de la justice doivent en effet disposer d’un lieu où puissent se croiser les savoirs acquis par la recherche et l’étude scientifiques, ceux résultant des pratiques professionnelles et ceux développés par les usagers et justiciables. L’IERDJ doit mobiliser les savoirs, développer des études prospectives de manière indépendante et rigoureuse pour mieux connaître et comprendre le droit et le fonctionnement de la justice afin d’inciter les décideurs et les praticiens à tenir compte de ces connaissances. Des méthodes variées permettent d’atteindre cet objectif : recherches, études, échanges directs entre professionnels et restitution auprès d’un public plus large. Ces méthodes reposent toutes sur une articulation étroite entre savoirs scientifiques et savoirs pragmatiques.

L’Institut a l’ambition de mener ses réflexions dans un cadre européen et international, développant les analyses comparées et les liens avec les partenaires étrangers et intégrant pleinement le rôle des juridictions et instances supranationales. Si la plupart des membres composant l’IERDJ disposent déjà d’unités d’études et de recherches, la valeur ajoutée du nouveau GIP sera d’axer ses travaux sur la transversalité. L’IERDJ se caractérise en effet par un positionnement institutionnel propre associant les institutions étatiques, les juridictions et professionnel(le)s de justice, ainsi que la communauté scientifique.

Pour le lancement des travaux en 2022, l’assemblée générale des membres du GIP a identifié trois thèmes prioritaires qui feront l’objet non seulement d’appels à projets de recherche, mais aussi d’autres formes de réflexion (voir encadré).

L’Institut devra en outre rester attentif aux débats et mouvements sociétaux d’actualité et se donner la capacité de réagir à ces évolutions en dehors de tout travail programmé à l’avance. Toutefois, plusieurs autres orientations de travail sont d’ores et déjà envisagées, parmi lesquelles : l’approfondissement de certaines thématiques comme les neurosciences et leur impact sur le droit et la justice que la MRDJ a identifiées dès 2015 comme un domaine d’études prospectif important ; la poursuite de la réflexion lancée par la MRDJ sur les enjeux et les méthodes de la recherche sur le droit et la justice avec le lancement d’un nouveau cycle d’ateliers portant sur les sciences participatives ; la continuité des travaux sur l’impact du numérique sur le droit et la justice — et notamment l’organisation de la deuxième conférence internationale Justice et numérique fin 2022 — ou encore des actions de réflexion sur la justice pénale internationale dans le prolongement des travaux menés par l’IHEJ précédemment.

Kathia Martin-Chenut, directrice de recherche au CNRS, directrice adjointe scientifique de l’IERDJ

L’IERDJ, partenaire du premier programme européen de résidences pour chercheurs en droit : les Résidences Adamas

Sur une proposition de Mireille Delmas-Marty, juriste, professeure émérite au Collège de France et membre de l’Académie des sciences morales et politiques, le Château de Goutelas, Centre culturel de rencontre, a ouvert en 2021 le premier programme européen de résidences pour chercheurs en droit, les « Résidences Adamas », en partenariat avec la Mission de recherche Droit et Justice, le Conseil constitutionnel, l’Académie Internationale des principes de Nuremberg et l’Association Internationale de Droit Économique.

Ce projet culturel porté par Goutelas est destiné à faire vivre le lieu et à l’inscrire dans une dynamique tournée vers l’avenir autour de trois termes structurants : Humanisme, droit, création. Ceux-ci sont déclinés toute l’année à travers une programmation artistique pluridisciplinaire, des rencontres associant des universitaires, des acteurs associatifs et des élus du territoire, des résidences d’artistes, des expositions d’art contemporain.

Le Château de Goutelas accueille aussi des séjours de recherche et des écoles d’été à destination d’universitaires, de doctorants et de doctorantes, en droit et dans bien d’autres disciplines. En 2021, quatre jeunes docteurs en droit ont été ainsi accueillis, tous bénéficiaires de prix de thèse ou sélectionnés par les institutions partenaires dont Guillaume Chetard, lauréat 2020 du Prix Vendôme, décerné par la Mission de recherche Droit et Justice (désormais l’IERDJ) et la Direction des Affaires criminelles et des Grâces du ministère de la Justice.

Ces séjours de recherche hors normes offrent des moments de rencontres privilégiés entre chercheurs, chercheuses et artistes autour de thématiques en lien avec les enjeux contemporains et l’humanisme juridique et des projets favorisant le partage des savoirs et l’interdisciplinarité. Les échanges  visent à alimenter les réflexions collectives que mène le Centre culturel de rencontre dans le cadre de son projet culturel avec comme ambition d’identifier et de promouvoir des thématiques de recherche innovantes et pertinentes sur le droit et sur la justice, de favoriser une recherche en prise avec son environnement, économique, politique, culturel et de promouvoir une recherche en prise avec son temps et avec les enjeux de demain. L’IERDJ continuera à faire vivre ce partenariat initié par la MRDJ.

  • Période et durée : Les prochaines résidences, d’une durée de 8 jours, se dérouleront du 9 au 18 septembre 2022.
  • Éligibilité : Des docteurs en droit ayant soutenu leur thèse entre 2020 et 2022, partout dans le monde.

Contact

Kathia Martin-Chenut
Directrice de recherche au CNRS, directrice adjointe scientifique de l’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice (IERDJ)