Biens symboliques / Symbolic Goods

Dynamiques intersectionnelles dans la production artistique #10 

Fondée en 2017, Biens symboliques / Symbolic Goods est une revue de sciences sociales qui prend pour objet « les biens symboliques au sens large, dont font partie les idées politiques, les pratiques amateurs, les produits des cultures populaires, les productions numériques, les discours médiatiques et les divers éléments constitutifs des styles de vie (vêtements, habitat, nourriture, etc.) », proposant d’en analyser les conditions sociales de production, de circulation et de réception (voir l’éditorial du premier numéro pour une présentation plus détaillée). La revue est jusqu’à ce jour bilingue, tous les articles (dossiers et varia) étant disponibles en français et en anglais. Elle est constituée d’un comité de rédaction et d’un comité scientifique internationaux et pluridisciplinaires : sociologie, science politique, histoire de l’art, sciences de l’information et de la communication, sciences de l’éducation, économie, littérature, musicologie et histoire.

Biens symboliques / Symbolic Goods est hébergée depuis 2020 par l’université Paris-Lumières après avoir été éditée par les Presses universitaires de Vincennes. La revue, publiée exclusivement en numérique à un rythme semestriel, est désormais intégralement accessible sur le portail OpenEdition Journals (gratuitement, sans barrière mobile). Les numéros sont principalement composés d’un dossier thématique (par exemple : #1 Artistes ordinaires, #2 Arpenter la vie littéraire, #6 Faire (de) la télévision, #7 Lire en numérique) et d’articles en varia, soumis à un processus d’expertise interne et externe au comité de rédaction. La revue publie également, plus rarement, des numéros Varia (voir l’appel permanent à articles). Les numéros comportent aussi, selon les livraisons, des articles dans différentes rubriques : « (Re)lire », qui présente des comptes rendus croisés d’ouvrages récemment publiés sur un même thème ; « Traduire », qui alimente la réflexion sur la circulation internationale des textes et des notions de sciences sociales ; « Transmettre », qui accueille des articles et des documents sur l’enseignement, la diffusion hors du monde académique et la mise en débat public des acquis des sciences sociales de la culture et des idées ; « Métiers », qui ouvre la revue aux questionnements et aux enjeux relatifs aux pratiques professionnelles dans le domaine des arts, des sciences ou de la médiation culturelle ; et « Regards sur… », qui fait de la revue un véritable carrefour d’échanges internationaux dans son périmètre thématique. Cette collection sera bientôt complétée par une rubrique dédiée aux réflexions sur la science ouverte produites dans le cadre d’un projet soutenu par le Fonds national pour la science ouverte - FNSO (2022-2023).

Biens symboliques / Symbolic Goods conduit également une action plus large de diffusion des sciences sociales de la culture, des arts et des idées. La revue organise ainsi chaque année un événement scientifique (journée d’études « Traduire/Transposer » en 2017, journée d’études « Le spectacle vivant sous le regard des sciences sociales » en 2018, colloque « Écritures urbaines, écritures exposées » en 2019, symposium européen des revues de sciences sociales en 2022) et le cycle « Séries et sciences sociales » en direction du grand public. Forte de son expérience de publication des articles en français et en anglais, la revue s’est engagée en 2020 dans un programme expérimental de traduction et de diffusion multilingues. Le programme Transiens a ainsi conduit à élaborer un protocole de rédaction, de traduction et de diffusion de synthèses d’articles en partenariat avec deux revues étrangères.

Le prochain numéro (#10), coordonné par Chloé Delaporte, Artemisa Flores Espínola, Emmanuelle Guittet, Kaoutar Harchi, Marie Sonnette-Manouguian et Cécile Talbot, est intitulé « Dynamiques intersectionnelles dans la production artistique ». Dans un contexte de débats scientifiques et politiques, parfois houleux, autour de la notion d’intersectionnalité, l’introduction rédigée par les coordinatrices argumente en faveur d’une approche intersectionnelle, attentive aux rapports de domination croisés (notamment de sexe, de race et de classe) qui s’exercent dans le champ de la production artistique. L’article de Karim Hammou (chargé de recherche au CNRS) analyse les trajectoires socioprofessionnelles de dix-sept rappeuses entrées en carrière à partir des années 1990. Son enquête montre que la pratique du rap constitue « une matrice générationnelle de politisation dans laquelle l’expérience des discriminations territoriales et ethnoraciales est déterminante », contribuant à la dénaturalisation des hiérarchies de genre. Emmanuelle Carinos Vasquez (doctorante en sociologie) s’intéresse quant à elle aux procès de deux rappeurs, condamnés en première instance, l’un pour « provocation directe » et « injure » envers la police nationale, l’autre pour « provocation au crime ». L’article interroge le paradoxe entre une jurisprudence globalement protectrice à l’égard des artistes, garantissant une relative liberté de propos dans un cadre artistique, et les condamnations encore fréquemment prononcées à l’encontre des rappeurs. L’autrice analyse la manière dont l’institution judiciaire définit « l’accès des titres incriminés au statut d’œuvre d’art et à la parole engagée légitime et légale en s’appuyant sur des interactions, catégories et représentations traversées de rapports sociaux de pouvoir (âge, classe, sexe, race) ». L’article d’Evélia Mayenga (doctorante en science politique) porte enfin sur les inégalités d’accès aux ressources et à la consécration dans le champ cinématographique, à partir d’une enquête sur la commission « Images de la diversité » du Centre national du cinéma, pensée comme un dispositif de lutte contre les discriminations. L’analyse montre que les critères d’attribution de ces aides publiques attribuées aux réalisations audiovisuelles engagent certaines représentations, parfois divergentes, de la « diversité » en termes de classe, d’âge et de racialisation. Le dossier est complété par deux articles en rubrique : un entretien (rubrique « Métiers ») avec la documentariste Keira Maameri, portant un regard réflexif sur les situations de discrimination qu’elle a vécues au cours de sa carrière, ainsi qu’une note de lecture croisée (rubrique « Re-Lire »), rédigée par Viviane Albenga à partir des ouvrages d’Angela Davis (Blues et féminisme noir, 2017 [1998]) et de Keivan Djavadzadeh (Hot, cool and vicious. Genre, race et sexualité dans le rap états-unien, 2021).

Le numéro comporte enfin un entretien avec Brice Le Gall, photographe et sociologue, co-auteur avec Thibault Cizeau et Lou Traverse de Justice et respect. Le soulèvement des Gilets jaunes (Syllepse, 2019), réalisé par Marie-Pierre Pouly et publié dans la rubrique « Transmettre ». Ce livre de « photographie sociologique » repose sur l’observation participante de manifestations de Gilets jaunes, dans les rues et sur les ronds-points de l’Oise. L’échange apporte une contribution à la réflexion sur les conditions, dans tous les sens du terme, de « l’engagement sociologique » dans une mobilisation sociale. L’auteur revient en détail sur la manière dont la relation d’enquête a rendu possible la production d’images (largement diffusées sur les réseaux sociaux) et de savoirs sociologiques sur cette mobilisation populaire originale.

Biens symboliques / Symbolic Goods

 

Rédacteurs en chef : Wenceslas Lizé, sociologue, Département de sociologie, Université de Poitiers, Groupe de recherches sociologiques sur les sociétés contemporaines (Gresco) ; Jérémy Sinigaglia, sociologue et politiste, IEP de Strasbourg, Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe (SAGE) ; Séverine Sofio, sociologue, CNRS, Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (CRESPPA)