En 2023, un appel « science et/en société »

Lettre de l'InSHS Institutionnel

Dans le cadre de ses priorités méthodologiques, CNRS Sciences humaines & sociales souhaite mettre l’accent sur les sciences partagées. À cette fin, un appel à projet intitulé « science et/en société » a été lancé au printemps 2023 afin d’encourager les recherches co-construites. Son objectif était de mettre l’accent sur les méthodologies élaborées en amont d’une recherche partagée. Celle-ci est comprise comme une recherche dans laquelle les savoirs sont co-produits avec des acteurs de la société, et non en aval de celle-ci. L’idée était de valoriser des réflexions attentives aux méthodes, procédures et enquêtes, à l’élaboration commune de problématiques, à la collecte partagée de données ainsi qu’à la production co-construite de résultats de recherche.

Cet appel d’amorçage prend place dans un ensemble de dispositifs institutionnels, locaux, nationaux ou européens relatifs à la science partagée. Conçu comme un dispositif de proximité, il devrait permettre de contribuer à la fabrique de la recherche au plus près des acteurs de terrain.

Sur les vingt-six projets soumis, huit ont été retenus, pour un montant de 5 000 euros chacun. De nature différente, relevant de plusieurs champs de recherche des sciences humaines et sociales, souvent pluridisciplinaires, ils avaient tous en commun de présenter des initiatives très concrètes, d’expliciter clairement les méthodologies employées et de comporter une dimension réflexive qui a paru intéressante à l’ensemble de l’équipe scientifique de l’institut. Les projets retenus, portés par des personnels scientifiques permanents appartenant à une unité du CNRS, avaient aussi comme caractéristique de faire entendre des paroles parfois moins audibles ou de rendre visibles des objets et des territoires souvent moins arpentés. Des associations, comme des institutions ou des entreprises publiques ou privées, non financées par l’appel, étaient très généralement associées.

Préoccupé par la transmission des gestes de broderie et la sauvegarde d’un patrimoine immatériel, le projet porté par Maria Gurrado, au sein de l’Institut de recherche et d'histoire des textes (IRHT, UPR841, CNRS), en partenariat avec l’association pour la promotion de la dentelle de Cilaos, repose sur des dispositifs de numérisation et est assortie d’une réflexion sur les formes de valorisation. À l’Institut d'ethnologie et d'anthropologie sociale (IDEAS, UMR7307, CNRS / AMU), autour de Lise Foisneau, est déployé le projet « Nomades : que sont-ils devenus ? ». Ses promoteurs proposent une enquête avec les descendants d’internés au camp de Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes dans l’Yonne. Il s’agit d’interroger le devenir des rescapés roms, manouches, gitans, yéniches, sinti et voyageurs des camps d’internement français de la Seconde Guerre mondiale. Le projet est ainsi l’occasion de réfléchir à la transmission et à la question des outils numériques adéquats pour rendre accessibles les données collectées.

De son côté, au Laboratoire Architecture Ville Urbanisme Environnement (LAVUE, UMR7218, CNRS / Ministère de la Culture / Université Paris Nanterre / Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, en partenariat avec la Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme (MMSH, UAR3125, CNRS / AMU) et l’Institut méditerranéen de la ville et du territoire ainsi que plusieurs associations de Marseille, Nadja Monnet questionne la possibilité de co-construire des protocoles de recherche et de co-produire des résultats avec des jeunes. Aritz Irurtzun, du Centre de recherche sur la langue et les textes basques (IKER, UMR5478, CNRS / Université Bordeaux Montaigne / Université de Pau et des Pays de l'Adour), a soumis un projet collaboratif à la croisée de la linguistique, de l’anthropologie, des études de la religion et de la création théâtrale. Articulé autour d’une base de données consacrée à la nature et à la variabilité des langues rituelles, il pose la question des facteurs linguistiques associés à des effets surnaturels. Simeng Wang, au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (Cermes 3, UMR8211, CNRS / Inserm / Université Paris Cité), appréhende les non-recours aux soins proposés par le système de santé français chez des personnes âgées d’origine chinoise. Pour ce faire, a été élaborée une enquête co-construite entre sociologues et acteurs associatifs. Au Centre de sociologie des organisations (CSO, UMR7116, CNRS / Sciences Po Paris), Sylvain Brunier a soumis le projet nommé « Politique de la machine agricole. Quelle reproductibilité pour une enquête de sciences sociales co-construite avec des professionnels ? ». Le dispositif est également celui d’une enquête collective reposant, cette fois-ci, sur des binômes paysanne-chercheur/chercheuse. Quant à Pierre-Alain Ayral, au laboratoire Études des structures, des processus d'adaptation et des changements de l'espace (ESPACE, UMR7300, CNRS / AMU / Avignon Université / Université Côte d'Azur), c’est à propos de la constitution (et la pérennisation) d’un réseau d’observateurs citoyens sur la thématique de l’eau en Cévennes que porte la réflexion méthodologique et épistémologique. Enfin, Jean-Marc Galan, et au-delà, toute une équipe au sein du Centre Internet et société (CIS, UPR2000, CNRS), déploie le projet intitulé « Collaborations et négociations des nouvelles pratiques de savoir à l’interface entre la science et la société ». Le dispositif présenté prendra justement en compte les projets exposés ci-dessus.

À partir des recherches en cours et des résultats des projets retenus, une journée de restitution et de prospective, « science et/en société », sera organisée par CNRS Sciences humaines & sociales, au siège du CNRS, le vendredi 27 septembre 2024. Elle devrait être l’occasion d’interroger les raisons pour lesquelles des recherches partagées peuvent s’avérer indispensables, de questionner non seulement les atouts mais aussi les limites et les risques de telles démarches et d’aborder des problématiques relatives à l’éthique de ces recherches. Bon vent, donc, à tous ces projets !

Contact

Pascale Goetschel
Directrice adjointe scientifique