La sensibilité aux récompenses intrinsèques est dominante et liée à la santé mentale

Résultats scientifiques Economie/gestion

Des activités aussi diverses que lire un roman, contempler des œuvres d’art ou jouer à des jeux vidéo ont-elles un point commun ? Oui, suggère une étude menée par un scientifique du Centre d’économie de la Sorbonne et par ses collègues de University College London, parue début septembre dans la revue Nature Mental Health. Mieux : malgré la diversité apparente de ces activités, l’étude souligne que la sensibilité aux récompenses intrinsèques est dominante et associée à la santé mentale.

Des études montrent que, dans de nombreux pays du globe, les humains passent l’essentiel de leur temps libre dans des activités qui sont plaisantes en elles-mêmes plutôt que pour les conséquences qu’elles impliquent : ces activités sont intrinsèquement récompensantes. C’est par exemple le cas de la lecture de romans, de la contemplation d’un coucher de soleil ou d’œuvres d’art, ou encore du fait de jouer. De prime abord, ces différentes activités ne revêtent pas d’objectifs ou de caractéristiques communs, au contraire des activités qui conduisent à des récompenses primaires (comme, par exemple, le fait de se nourrir), qui ont des implications en termes de survie.

Dans l’étude menée par Bastien Blain, titulaire de la Chaire de Professeur Junior à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre du Centre d’économie de la Sorbonne (CES, UMR8174, CNRS / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), en collaboration avec des chercheurs et chercheuses de University College London, les scientifiques suggèrent que toutes les récompenses intrinsèques partagent des caractéristiques communes. Cela n’a pas pu être établi auparavant parce que ce type de récompenses est étudié isolément (par exemple, l’écoute musicale). Ici, les chercheurs et chercheuses ont mesuré plusieurs réponses comportementales — le rapport sur une échelle de la sensation de plaisir, le choix des individus, et le pouvoir « renforçant » du stimulus, c’est-à-dire à quel point son obtention augmente la probabilité d’occurrence de l’action qui est menée — face à différents types de stimuli : lire de l’information, contempler un paysage, etc. Ils montrent que les réponses comportementales aux récompenses intrinsèques sont similaires et que la sensibilité des individus à ces récompenses est partiellement généralisée : plus on a de satisfaction à pratiquer une activité, plus on appréciera d’en pratiquer d’autres.

Par ailleurs, grâce à des questionnaires cliniques, les auteurs de l’article ont établi une corrélation, pour l’ensemble des activités, entre la sensibilité générale à la récompense intrinsèque et la santé mentale. Les individus avec une plus forte sensibilité générale aux récompenses intrinsèques seraient plus enclins à effectuer une variété de ce type d’activités, ce qui augmenterait leur bonne humeur et la probabilité de trouver une activité dans laquelle ils excellent. Les individus avec une  faible sensibilité aux récompenses intrinsèques, eux, se désintéresseraient de telles activités, et seraient seulement exposés aux activités nécessaires, dégradant ainsi leur humeur. Ces résultats peuvent contribuer à expliquer l'épanouissement et la souffrance : les personnes très sensibles aux récompenses s'engagent dans une variété d'activités intrinsèquement gratifiantes et finissent par trouver celles dans lesquelles elles excellent, alors que les personnes peu sensibles ne le font pas.

Plus généralement, étant donné le caractère ubiquitaire des récompenses intrinsèques au quotidien — que ce soit par la consommation de divertissements tels que regarder des films ou des séries, jouer à des jeux-vidéos… — comprendre les mécanismes qui confèrent à ces activités parfois addictives et leurs conséquences sur le bien-être paraît crucial.

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© India Pinhorn

 

Référence

Blain B., Pinhorn I., Sharot T. 2023, Sensitivity to intrinsic rewards is domain general and related to mental health, in Nature Mental Health (2023)

Contact

Bastien Blain
Chaire de Professeur Junior à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre d’économie de la Sorbonne