Le chèque santé : une voie pour la réduction de la mortalité maternelle et néonatale au Cameroun ?

Résultats scientifiques Economie/gestion

Le chèque santé (CS) est un mécanisme de prépaiement visant la réduction de la mortalité maternelle et néonatale à travers la prise en charge de la femme enceinte. Des travaux menés par une équipe de recherche internationale du CNRS, de l’IRD et de l’université Yaoundé II (Cameroun) visent à évaluer l’impact de ce dispositif, mis en place en 2015 dans les trois régions du nord Cameroun. L’originalité de cette démarche est d’adosser une approche quantitative, basée sur le recueil des données de routine, à une étude qualitative, basée sur une enquête menée auprès des femmes enceintes ayant et n’ayant pas adhéré au CS et du personnel de santé.

La mortalité maternelle reste très élevée dans les pays d’Afrique sub-Saharienne et notamment au Cameroun où elle stagne à plus de 440 pour 100 000 naissances vivantes depuis les années 2016. Si la mortalité néonatale tend à diminuer, on observe de profondes inégalités régionales avec un taux qui varie entre 20 (Centre Est) et 40 (Adamaoua) pour 1 000 naissances vivantes. Pour contribuer à la réduction des mortalités maternelle et néonatale, via l’accès à des soins de santé maternelle de qualité, le gouvernement camerounais, avec l’appui conjoint de l'Agence française de développement et de la Banque allemande de développement, a instauré en 2015 un mécanisme de prépaiement des soins, le chèque santé (CS), dans les trois régions du septentrion. Ce dispositif, proposé aux femmes enceintes par les établissements de santé accrédités, inclut l’accès à au moins quatre consultations prénatales (CPN) durant la grossesse, aux soins préventifs administrés lors des CPN (traitement préventif contre le paludisme, l’hypertension, l’anémie, etc.) et à l’accouchement simple ou avec césarienne, si nécessaire dans la formation sanitaire accréditée, au suivi postnatal jusqu’à 42 jours après l’accouchement, pour un montant forfaitaire de 6 000 francs CFA (~10 €).

Étant donné l’intention du gouvernement camerounais d’étendre ce dispositif à l’échelle nationale, il s’avère nécessaire d’évaluer l’efficacité de ce dispositif. L’équipe de recherche composée de Martine Audibert, directrice de recherche CNRS émérite au Centre d'études et de recherches sur le développement international1 (CERDI), Marion Ravit, chargée de recherche IRD au Centre population & développement2 , Benjamin Fomba Kamga et Dimitri Tchakounté, respectivement professeur et post-doctorant à l’université Yaoundé II (Cameroun), a conduit des recherches visant à estimer l’impact du chèque santé sur :

  • l’accès des femmes enceintes aux soins de santé maternelle,
  • la mortalité maternelle et néonatale.

Pour ce faire, les chercheurs ont recueilli en 2023 les données de routine de 300 établissements de santé accrédités et non accrédités3 et mené une enquête auprès de 5 000 femmes enceintes ayant et n’ayant pas adhéré au CS. Pour compléter, ils ont utilisé les données de l’enquête démographique et de santé du Cameroun 2018 (EDSC_V) qui inclut 13 537 femmes âgées de 15 à 49 ans interrogées sur l’historique de leur grossesse, les décès éventuels de leurs enfants dans leur premier mois de vie et le décès éventuel, lié à la maternité, de leurs sœurs. Pour estimer l’effet du CS sur l’accès aux soins et sur les mortalités, ils ont eu recours à l’analyse d’impact et, plus précisément, à la méthode des doubles différences, qui permet de comparer les indicateurs de résultat (nombre de CPN par grossesse, d’accouchements en établissements de santé, décès maternels, décès néonataux, etc.), avant et après la mise en place du CS, entre les femmes ayant adhéré au CS et les femmes n’ayant pas adhéré au CS, selon l’intensité d’exposition (l’entrée dans le) au programme CS.

Les premiers résultats de l’analyse quantitative obtenus à partir des données EDS, montrent un impact positif du CS sur le recours des femmes enceintes à un établissement de santé pour l’accouchement et sur la mortalité néonatale qui est plus faible dans les circonscriptions où les établissements de santé sont accrédités pour proposer aux femmes le dispositif CS. Les premiers résultats de l’analyse qualitative indiquent que la perception qu’ont les femmes enceintes sur la qualité de la propreté de l’établissement et l’accueil du personnel est légèrement plus favorable pour les établissements accrédités que les non accrédités. En revanche, la différence est bien plus grande quant à la satisfaction sur la qualité des CPN, mesurée sur une quinzaine de critères, dans les établissements accrédités par le CS comparés aux non accrédités. 

Cette recherche a reçu le soutien financier du projet Partenariat AFD-IRD (PAIRES).

Cette recherche contribue à l’objectif 3 - Santé des  Objectifs de Développement Durable en apportant un éclairage sur le rôle potentiellement majeur du dispositif mis en place par le gouvernement et soutenu par ses partenaires techniques sur l’accès aux services de santé essentiels et sur sa contribution au bien-être de la femme lors de sa grossesse ainsi qu’à la réduction de la mortalité maternelle et néonatale.

 
  • 1Centre d'études et de recherches sur le développement international (CERDI, UMR6587, CNRS / Université Clermont Auvergne).
  • 2Centre population & développement (Ceped, UMR196, IRD / Université Paris Cité).
  • 3Les établissements accrédités pour le CS sont des établissements dont l’organisation des soins et le plateau technique ont été renforcés afin d’assurer des soins maternels de qualité.

Objectifs de Développement Durable

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Cette recherche contribue à l’objectif 3 - Santé des Objectifs de Développement Durable en apportant un éclairage sur le rôle potentiellement majeur du dispositif mis en place par le gouvernement et soutenu par ses partenaires techniques sur l’accès aux services de santé essentiels et sur sa contribution au bien-être de la femme lors de sa grossesse ainsi qu’à la réduction de la mortalité maternelle et néonatale.

Contact

Martine Audibert
Directrice de recherche CNRS émérite, Centre d’études et de recherches sur le développement international