Nouvelles perspectives dans l'art rupestre : première identification de mains non-humaines à Wadi Sûra II

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Une équipe de recherche pluridisciplinaire composée d’archéologues, d’anthropologues, de médecins et de primatologues vient de publier une étude qui pourrait bien provoquer une petite révolution dans le domaine des recherches sur l’art préhistorique.

Depuis la découverte de l’abri Wadi Sûra II en 2002 dans le Désert Occidental Egyptien et de ses milliers de peintures datant d’environ 8000 ans (dernier optimum climatique au Sahara), treize petites empreintes de main en négatif étaient identifiées comme celles de bébés. Mais l’étude parue dans le numéro d’avril 2016 du Journal of Archaeological Science: Reports propose une nouvelle identification, pour le moins inattendue.

Coordonnée par l’archéologue Emmanuelle Honoré — membre post-doctorant de l'équipe Ethnologie Préhistorique au sein du laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité (ArScAn, UMR 7041, CNRS / Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Paris Ouest Nanterre La Défense / Ministère de la Culture et de la Communication) et actuellement Newton International Fellow à l’Université de Cambridge —, l’équipe publie une étude morphométrique comparative détaillée.

Au sein du service de néonatologie du CHRU de Lille, Philippe Deruelle et Thameur Rakza (Environnement Périnatal et Croissance, EA 4489, Université Lille 2) ont mesuré les mains de nouveau-nés à terme et prématurés. Les comparaisons montrent que la probabilité que les petites mains soufflées par les hommes préhistoriques sur les parois de Wadi Sûra II soient celles de bébés ou fœtus humains est inférieure à 0,01 % pour la majorité des sept critères retenus.

Emmanuelle Honoré a ensuite exploré les pistes des primates non-humains avec Brigitte Senut, du Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements (CR2P, UMR7207, CNRS / Muséum National d’Histoire Naturelle / Université Pierre et Marie Curie), et Emmanuelle Pouydebat, du laboratoire Mécanismes Adaptatifs et Evolution (MECADEV, UMR7179, CNRS / MNHN). Les conclusions des chercheurs indiquent que les espèces les plus proches en termes de morphométrie se trouvent parmi les reptiles : varans ou crocodiles.

L’étude fait de ces petites mains négatives les premières empreintes animales identifiées dans tout l’art rupestre de la moitié Nord de l’Afrique, ce qui pourrait bien changer la perception que les préhistoriens ont de l’univers symbolique des derniers chasseurs-cueilleurs. Dans une déclaration faite au National Geographic, Emmanuelle Honoré précise : « C’est un véritable challenge pour nous, chercheurs, d’interpréter ces peintures car notre culture est complètement différente de celle qui les a produites ».

 

Image retirée.
Frise de six des treize petites mains de l'abri Wadi Sûra II (Egypte) ré-identifiées par E. Honoré et al.

© Emmanuelle Honoré

 

En savoir plus sur l’unité Archéologies et Sciences de l'Antiquité (ArScAn)

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