Plongée immersive dans l'Europe des Habsbourg. Restitutions de l’univers artistique de Marie de Hongrie

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Dans le cadre du programme Creative Europe, le projet MARY4ALL propose de redonner vie aux musiques et aux architectures commandées par Marie de Hongrie (1505-1558), grâce à des reconstitutions numériques multisensorielles. Il s’agit d’une collaboration entre le Domaine et Musée royal de Mariemont, la Katholieke Universiteit Leuven, le Centre d'études supérieures de la Renaissance (CESR, UMR7323, CNRS / Université de Tours) et l’Itinéraire culturel du Conseil de l'Europe des Routes de Charles Quint. Les restitutions seront présentées à l’occasion de l’exposition « Marie de Hongrie. Art & pouvoir à la Renaissance » au Musée royal de Mariemont (Belgique), du 22 novembre 2025 au 10 mai 2026. L’exposition sera ensuite itinérante en Espagne et en Allemagne. 

Un projet au service du patrimoine culturel européen pour redécouvrir le mécénat d’une femme de la Renaissance

MARY4ALL met en lumière le rôle clé de l'une des femmes les plus influentes de l'Europe du XVIe siècle : Marie de Hongrie (1505-1558), sœur de l'empereur Charles Quint, reine consort de Hongrie et gouvernante des Pays-Bas. Sa passion pour les arts — musique, architecture, peinture et sculpture — ainsi que ses remarquables compétences politiques, diplomatiques et stratégiques en temps de guerre, firent d'elle l'une des mécènes les plus singulières de son époque.

Son ambition visionnaire la poussa à créer des lieux utopiques, comme le Palais de Binche, orné de splendides tableaux du Titien et décoré de sculptures exceptionnelles inspirées de l’art romain antique, ou le pavillon de chasse de Mariemont, immortalisé dans plusieurs tableaux de Jan Brueghel (1568-1625). Ces projets étaient tellement ambitieux et spectaculaires que les adversaires politiques de Marie, notamment le roi de France Henri II, n'hésitèrent pas à les détruire pour effacer toute trace de ses actions.

Grâce au programme Europe Créative, ce projet invite à revivre des aspects de son mécénat : de la musique, l'acoustique de la Grande Salle de Binche, l'architecture novatrice du pavillon de chasse de Mariemont ainsi que ses magnifiques jardins. RicercarLab, l’équipe musicologique du Centre d’études supérieures de la Renaissance de Tours, a travaillé sur deux créations musicales. 

 

Figure 1 - Benedictus Appenzeller, Sancta Maria succurre miseris, 4 voix, 1548, impression sur lin. Bruxelles, Koninklijke Bibliotheek van België © Camilla Cavicchi

 

Un objet unique au monde 

Le compositeur Benedictus Appenzeller fit imprimer en 1548 un canon à quatre voix sur un mouchoir en lin orné d'une broderie en soie noire, créant ainsi un présent raffiné pour sa mécène, la reine Marie (figure 1). La musique imprimée transforme un accessoire de mode alors nouveau en un objet d'art unique. Un film, réalisé par le cinéaste Joachim Thôme, en dévoile le sens musical : quatre chanteurs de l’ensemble Odhecaton dirigé par Paolo Da Col, assis autour d’une table, décodent la musique du mouchoir. Le point de vue du réalisateur capte les regards et les visages des musiciens, leurs gestes, leurs émotions, offrant une approche intime de l’interprétation (figures 2-4). En émerge un récit musical : la restitution visuelle exprime la complexité de la construction polyphonique. 

 

Figures 2-3 - Chanteurs de l’ensemble Odhecaton dans le film de Joachim Thôme, 2025

 

Le défi de faire danser une aquarelle   

En août 1549, Marie d’Hongrie organise des fêtes somptueuses pour accueillir son neveu Philippe II d’Espagne. Elle le fait dans ses propres terres, à Binche et à Mariemont. Une étude minutieuse des sources littéraires et des termes musicaux en plusieurs langues décrivant les Triomphes de Binche, combinée à l'analyse des archives et de l’iconographie, des instruments, des musiques et des chorégraphies de l’époque a permis de reconstituer la danse des épées illustrée dans l'aquarelle conservée à la Bibliothèque royale de Belgique (KBR) à Bruxelles (figure 4). Les musiques et les sons, enregistrés en chambre anéchoïque à l'université de Ferrare (figure 5), ont été traités par la KU Leuven qui a modélisé l’architecture et l’acoustique de la grande salle du Palais de Binche, monument aujourd’hui perdu. Un film qui combine la restitution 3D de l’architecture de la salle avec l’auralisation des musiques rend vie aux danseurs figurés au premier plan de l’aquarelle. La restitution de cette danse historique sera appliquée à ces figures grâce aux technologies de motion capture et d’animation d’images.

 

Figure 4 - Tournage du film dans le Studio Lite à Vilvoorde, Belgique © Camilla Cavicchi
Figure 5 - Anonyme, Détail de la danse des épées dans la grande salle du Palais de Binche, le mercredi 28 août 1549, aquarelle. Bruxelles, Koninklijke Bibliotheek van België

 

S'inspirant des principes du nouveau Bauhaus européen, ce projet allie créativité, recherche, technologie et interdisciplinarité pour faciliter l'accès à des œuvres d'art complexes. Cette initiative fédère les compétences du musée de Mariemont, de deux centres de recherche universitaires (KU Leuven et CESR), ainsi qu'une association d'itinéraires touristiques garantissant durabilité et circularité des créations présentées dans l’exposition.

 

Figure 6 - Enregistrement des sons des épées Renaissance dans la chambre anéchoïque du Département d’Ingénierie de l’Université de Ferrare, Italie © Philippe Vendrix

 

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Contact

Camilla Cavicchi
Ingénieure de recherche CNRS, Centre d’études supérieures de la Renaissance (CESR)