Prix de la Fondation pour les Sciences Sociales : plusieurs de nos chercheurs récompensés

Distinctions

La Fondation pour les sciences sociales (FSS) récompense Ozvan Bottois, Violette Larrieu, Francesca Musiani, Victor Violier et Laurent Vissière pour leurs contributions sur le thème « Un monde en guerre ? ». À la clé, une « Journée des sciences sociales » pour débattre de leurs travaux et une publication dans l’ouvrage collectif de la Fondation.

La Fondation pour les sciences sociales met en place tous les ans douze bourses d’appui pour les auteurs d’analyses originales sur un sujet de recherche. Cet appel à candidature, créé en 2011 à l’initiative de la Fondation de France, a pour objectif de soutenir le développement de la recherche et du débat en sciences sociales. Il s’adresse aux enseignants-chercheurs, chercheurs et post-doctorants en début ou milieu de carrière, de toutes les disciplines des sciences sociales au sens large.

Les douze contributions sélectionnées sont débattues lors d’une « Journée des sciences sociales », organisée tous les ans à l’automne par la Fondation, et font l’objet d’une publication en langue française dans l’ouvrage collectif de la Fondation. Les lauréats reçoivent par ailleurs un prix de 2 500 euros.

Ozvan Bottois, Violette Larrieu, Francesca Musiani, Victor Violier et Laurent Vissière, chercheurs CNRS ou associés à des unités CNRS, font partie des lauréats de cette édition 2023-2024 dont le thème est « Un monde en guerre ».

 
  • Ozvan Bottois est maître de conférence en histoire de l’art contemporain à l’université Paul-Valéry Montpellier 3,  membre du Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences Humaines et Sociales et associé au laboratoire Temps, espaces, langages, Europe méridionale, Méditerranée (TELEMMe, UMR 7303, CNRS / Aix-Marseille Université). Il a proposé la contribution « Goya, Gros et Géricault face à la guerre : beauté, horreur et vacuité ». Cette contribution a pour but d’étudier la représentation de la guerre à travers les peintures de Francisco de Goya (1746-1828), Antoine-Jean Gros (1771-1835) et Théodore Géricault (1791-1824) exécutées durant la période napoléonienne. D’une part, il s’agira d’examiner leurs œuvres comme l’expression d’une fascination esthétique pour les horreurs de la guerre, au-delà de tout commentaire moral. D’autre part, il s’agira de s’interroger sur la signification de cette fascination afin de l’envisager comme la manifestation d’un sentiment de vacuité et d’inanité appelé à devenir un des éléments constitutifs de la période contemporaine. 

 

  • Violette Larrieu est docteure en science politique, chercheuse post-doctorante à l’ENSTA Bretagne, rattachée au laboratoire Formation et Apprentissages Professionnels et chercheuse associée au Centre d'Études Politiques Et sociales - Santé, Environnement Territoires (CEPEL, UMR5112, CNRS / Université de Montpellier). Elle a proposé la contribution « L’innovation technologique, le nouveau nerf de la guerre ? ». La supériorité technologique d’une armée sur une autre est souvent mentionnée pour discuter l’issue d’un combat. Ainsi, à la bravoure se substitue, avec la révolution industrielle, l’hégémonie technique. Pour autant, il semble que la guerre actuelle en Ukraine nous enseigne que la maxime « qui peut le plus peut le moins » connaît des limites. Ne s’agit-il donc pas de se garder de tomber dans « l’illusion technologique » ou bien, à l’inverse, est-il réellement pertinent de considérer le « tout technologique » comme l’avenir de la guerre ? Cette contribution entend discuter de la dimension technologique de la guerre à deux niveaux : celui de la politique et celui de la pratique militaire. Elle met au jour deux approches de la guerre, renvoyant à deux attentes et expériences distinctes de celles-ci : d’un côté, la guerre dans sa dimension politique, systémique et symbolique. De l’autre, la guerre dans sa pratique matérielle et opérationnelle. Deux approches qui tentent de coexister au sein du ministère des Armées mais qui, parfois, peuvent s’opposer. 

 

  • Francesca Musiani est directrice adjointe du Centre Internet et Société (CIS, UPR 2000,  CNRS), chercheuse associée au Centre de Sociologie de l’Innovation et Global Fellow auprès de l’Internet Governance Lab de l’American University à Washington). Elle a proposé la contribution « Le chiffrement peut-il sauver des vies ? Les messageries sécurisées comme lieu de convergence entre cyberguerre et guerre classique ». Les controverses concernant le droit à la vie privée des individus, en lien avec leur dépendance toujours croissante aux technologies numériques, sont des débats de longue date, qui se sont particulièrement politisés à la suite des révélations d’Edward Snowden. Au cours de ces débats, un accent particulier est mis sur les technologies de chiffrement, qui encodent l’information en convertissant ses représentations originales en formes alternatives que les ordinateurs sont en principe incapables de déchiffrer, assurant ainsi la sécurité des communications. Ces technologies sont au cœur d'une controverse publique, dans laquelle les défenseurs de la vie privée s’opposent à ceux qui prétendent que le chiffrement est une menace pour la sécurité générale car il permet le terrorisme et d’autres formes d’action subversive. En temps de guerre, quel est le rôle des technologies de chiffrement et de protection de la vie privée ? Comment le conflit armé remet-il en question les modèles de menace existants, quels sont les nouveaux risques pour la société civile ? Le chiffrement peut-il sauver des vies ? Cette contribution propose d’aborder ces questions, en montrant que les messageries chiffrées font l’objet de convergences entre les aspects informationnels et physiques, « de terrain », de la guerre au XXIe siècle. Il s’agit de montrer comment ces outils de messagerie et l’écosystème numérique qui rend possible leur déploiement (interfaces, fournisseurs d’accès, opérateurs télécom) sont désormais partie intégrante d’une infrastructure de guerre et de résistance où la frontière entre la cyberguerre et la guerre classique se brouillent de plus en plus. 

 

  • Victor Violier  est chercheur postdoctoral au CNRS, rattaché au Centre de recherches internationales (CERI, UMR7050, CNRS / Sciences Po Paris). Il a proposé la contribution « Interventions militaires et consensus politique en situation autoritaire : le cas de la Russie contemporaine ». À partir des cas de la guerre contre la Géorgie (2008), de l’annexion de la Crimée et de Sébastopol (2014), de l’intervention russe dans la guerre en Syrie (2015) et de l’invasion militaire de l’Ukraine (2022), cette contribution vise à interroger les conditions d’élaboration de la doctrine militaire russe et la fabrication du consensus politique autour des questions de défense et de sécurité en Russie. Débusquer ces arrangements peut nous informer sur l’état des équilibres et des dynamiques au sein de l’élite du pouvoir. Cela permet de lever le voile sur les marchandages et les jeux plus ou moins stabilisés entre différents univers sociaux ou secteurs de l’élite et comprendre les enjeux, notamment de pouvoir, qu’ils renferment et qui dépassent en fait l’enjeu officiel de l’intervention armée en Ukraine.

 

  • Laurent Vissière, est professeur d’Histoire médiévale à l’Université d’Angers et membre du laboratoire Temps, Mondes, Sociétés (Temos, UMR 9016, CNRS / Le Mans Université /  Université d’Angers / Université Bretagne-Sud). Il a proposé la contribution « La ville assiégée ou la militarisation d’une société (France, fin du Moyen Âge) ». Dans la France des XIVe et XVe siècles, la guerre ne suscite pas, comme aujourd’hui, un sentiment de surprise : elle constitue au contraire une réalité des plus banales, avec laquelle les populations ont appris à vivre. Dans un monde perpétuellement en guerre, les villes fortes représentent des objectifs de premier plan, mais les bourgeois qui les habitent ont appris à se défendre. Ils gèrent les fortifications, les stocks de vivres, d’armes et de munitions ; et en cas de siège, toute la société urbaine se mobilise – y compris les femmes –, selon une discipline et des normes prédéterminées. Il s’agit de comprendre comment fonctionnait cette militarisation générale d’une population civile. 

 

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