Colloque Ethnographie et recherches participatives. Actualités des formes de recherche-action en sciences sociales

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Maison internationale des langues et des cultures (MILC) - Amphithéâtre 35 rue Raulin 69007 Lyon

Le colloque “Ethnographie et recherches participatives : Actualités des formes de recherche-action en sciences sociales” se déroulera à Lyon du 17 au 19 janvier 2024. Il souhaite explorer les liens et les résonances entre l’ethnographie et les formes de recherche-action et de sciences participatives, et vise à interroger l’ethnographie en situation d’intervention sous l’angle des pratiques variées des formes de la recherche-action : recherche-action classique, recherche collaborative, recherche participative, partenariale, publique, recherche négociée, recherche embarquée, community based research, recherche-création, recherche de plein air. Il s'adresse à un public international de chercheur.e.s en sciences sociales (anthropologie, ethnologie, ergonomie, sociologie, sciences politiques, géographie, sciences de l’éducation, architecture, urbanisme…), de praticien.nes, professionnel.les, militant.e.s ou bénévoles engagé.e.s, dans des expériences de collaboration et de co-construction d’une forme de recherche-action.

La question des formes d’intervention de l’ethnographie est à la fois ancienne et en constant renouvellement. Elle s’articule à des enjeux importants relevant des transformations sociales et culturelles, des relations entre science et société, des enjeux sociaux, environnementaux, économiques ou politiques, des modes d’implication et d’application de l’anthropologie, de la sociologie et de la variété des métiers ouverts aux sciences sociales. Les défis sociétaux et environnementaux actuels ont renouvelé l’intérêt déjà ancien du croisement des savoirs scientifiques, d’action, d’expérience qui répond « à la fois aux préoccupations pratiques d’acteurs se trouvant en situation problématique et au développement des sciences sociales, par une collaboration qui les relie selon un schéma éthique mutuellement acceptable » (Rapport, 1973). Des citoyens s’engagent auprès de scientifiques, et réciproquement, dans la production de connaissances utilisables pour l’action et pouvant jouer un rôle de transformation. Ce mouvement des « sciences et recherches participatives » (Houillier, Merilhou-Goudard, 2016) s’est particulièrement développé et structuré ces dernières années à travers les « boutiques de sciences », les living labs, open labs, fab labs, foundaries, tiers-lieux, etc. et les financements régionaux ou nationaux (PIA3, PIA4, labellisation SAPS des universités, ANR Recherches participatives 2022 et 2023), au point qu’il existe depuis 2017 une charte des Sciences participatives en France et que le conseil scientifique du CNRS a émis une recommandation (15 octobre 2021). 

Ce colloque souhaite explorer les liens et les résonances entre l’ethnographie et les formes de recherche-action et de sciences participatives. On sait l’importance dès le départ, pour les partenaires impliqués dans les projets, de l’analyse de la demande ou de la commande au départ dans toutes formes de recherche-action. Ce processus de suivi et d’analyse ne se limite pas qu’au début du projet mais se prolonge tout au long de l’intervention. De la même manière, en ethnographie, l’accès au terrain, situé au début l’enquête, est central et conditionne largement la réussite du travail de recherche et l’engagement de l’ethnographe. La place qu’il occupe et les assignations qui lui sont faites changent au fur et à mesure de l’enquête et la négociation de cette place comme son analyse ne sont jamais achevées et devront être retravaillées jusqu'à la fin. Dans les deux cas, l'analyse de cette situation est une source indispensable de connaissance.

Ce point souligne la question épineuse de la fameuse neutralité axiologique dans les recherches en sciences sociales, neutralité qui manquerait justement aux formes de recherche-action participative. Mais « il n'y a pas d'observation neutre, pur regard qui laisserait inchangés les phénomènes sur lesquels il porte. L'observateur est aussi acteur. [...] Ce qui lui est dit, ce qui lui est donné à voir n'est jamais dissociable des caractéristiques spécifiques de la situation d'enquête » (Schwartz, 1993 : 271-272). En conséquence, une situation sociale ou un groupe est donc d’abord interrogé silencieusement par l'entrée du chercheur.e avant même de l'être verbalement par lui. Les réactions à sa présence et les modalités de refus, de résistance ou d'acceptation de celle-ci doivent donc être considérées comme des données d'enquête à part entière. Les techniques de neutralisation de la situation d’enquête, la volonté d’atteindre une réalité sociale authentique et celle d’obtenir des données de recherche pures peuvent être considérés dans cette perspective comme des illusions. « Le réel de l’enquête est d'abord celui qu'elle produit » (Schwartz, 1993 : 272) et l’anthropologue doit chercher à objectiver les processus en jeu dans la situation de recherche elle-même. Autrement dit, il s’agit de reconnaître l'impossibilité d'une position de pure extériorité pour l'observateur participant. D’où la nécessité d’une analyse réflexive de la dynamique enclenchée par la demande d'enquête et dans la suite de celle-ci car dans les interactions se met en place un processus de contre-interprétation de l'« observateur » par les « observés ». Il s’agit donc de penser cette réciprocité du regard au cœur de la relation d'enquête et de s’en servir comme d’un outil de connaissance (Papinot, 2014 : 116-122).

Le colloque vise à interroger l’ethnographie en situation d’intervention (c’est-à-dire assumant une forme volontariste de transformation sociale et culturelle), sous l’angle des pratiques variées des formes de la recherche-action : recherche-action classique, recherche collaborative, recherche participative, partenariale, publique, recherche négociée, recherche embarquée, community based research, recherche-création, recherche de plein air… Cette pluralité d’appellations et de pratiques met en avant des conceptions différentes de cette intervention des sciences sociales qui néanmoins se rejoignent à travers des traits caractéristiques communs. L’ensemble des méthodes et des courants de recherche-action revendique un double objectif de changement concret dans le système socio-culturel et de production de connaissances sur celui-ci, attachant autant d'importance à l'action comme moyen de transformation de la réalité qu'à la recherche scientifique comme moyen de connaître cette réalité et de développer les connaissances. Cet objectif conduit à poser la participation de la société civile et des acteurs de terrain comme un principe fondamental de la recherche participative. Les trois dimensions clés de ce dispositif de recherche que sont le changement, l’élaboration de connaissance et l’intervention du chercheur.e recouvrent des significations différenciées en fonction du cadre épistémologique et de la vision de la réalité sociale et culturelle qu’ils soutiennent.

Ce colloque souhaite ainsi faire le point sur les formes d’expérience et les modalités de l’ethnographie en situation de recherche-action, de participation et de collaboration avec des acteurs et des groupes de la société civile dans les secteurs de l’éducation populaire, de l’environnement et de la transition écologique, de l’aménagement, de l’urbanisme, du développement, de la santé, du travail social, de l'économie sociale et solidaire, de l’éducation, de l’action publique, de l’art, des sports et des loisirs, etc. Il s’agira ainsi d’explorer les différentes formes que peuvent prendre les situations d’intervention dans le domaine de l’anthropologie, de la sociologie et des sciences sociales plus généralement ainsi que les multiples traductions, médiations et négociations qu’elles supposent. Le colloque ambitionne de faire un état des lieux de ces expériences plurielles et des liens qu’elles entretiennent avec l’ethnographie. Un des enjeux est de contribuer à l'émergence d'une communauté (scientifique, technique et citoyenne) mobilisée par des dispositifs de recherche-action et par le souci de démocratie participative qu’ils sous-entendent.

Quels sont les liens entre enquête ethnographique et demande sociale ou culturelle aujourd’hui ? A quels types de participation, de collaboration, de co-construction et d’hybridation assiste-t-on entre ethnographie et recherche-action, chercheur.e.s et acteurs sociaux ? Quelles en sont les formes ? A quelle évolution assiste-t-on entre les expériences d’hier et celles d’aujourd’hui ? Quels en sont les cadres théoriques, les filiations et les potentialités ? A quels dispositifs méthodologiques et outils se rapporte-t-elle ? Que vient-elle interroger et révéler, tant dans les pratiques sociales que dans les formes prises par la recherche en sciences sociales et humaines aujourd’hui ? Quels sont les savoirs produits ? Comment sont-ils partagés et à qui profitent-ils ? Quelle en est la réception dans le champ académique et dans celui de la société civile ? A quels cadres épistémologiques se rattachent-ils ?  Quels sont les dimensions de l’action et de la transformation à l’œuvre ? Comment les évaluer ? Comment sont-elles appropriées par les participant.e.s ?

Le colloque s’adresse à un public international de chercheur.e.s en sciences sociales (anthropologie, ethnologie, ergonomie, sociologie, sciences politiques, géographie, sciences de l’éducation, architecture, urbanisme…), de praticien.nes, professionnel.les, militant.e.s ou bénévoles engagé.e.s, dans des expériences de collaboration et de co-construction d’une forme de recherche-action. Pour cela, les communications à plusieurs voix (chercheur/acteur) seront privilégiées et une égale parole sera donnée à chacun.e des intervenant.e.s afin de permettre l’expression d’expériences et d’analyses variées. C’est aussi une manière de faire dialoguer in situ des points de vue différents. L’approche empirique par l’ethnographie et le terrain et par une posture de réflexivité critique sont sollicitées pour comprendre, comparer et interroger les usages de ces dispositifs de recherche participative, ses mécanismes de fonctionnement et ses enjeux théoriques et pratiques.

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