L'Oeil extatique. Sergueï Eisenstein à la croisée des arts

Du
au
Centre Pompidou-Metz 1, parvis des Droits-de-l’Homme 57000 Metz

Sergueï Eisenstein, réalisateur mythique qui fit la gloire du cinéma russe, est bien plus qu’un cinéaste. Cultivant l’art du montage et de la lumière au point d’inventer un nouveau langage visuel au milieu des années 1920, Eisenstein s’est toujours placé à la croisée des arts. Homme de théâtre et de littérature, dessinateur, théoricien, passionné d’archéologie et d’anthropologie,il n’a cessé de se nourrir de l’histoire de l’art tout au long de sa carrière.Le Centre Pompidou-Metz propose une rétrospective de son oeuvre en regard de l’influence de cet héritage universel. On y retrouve les grands films qui l’on fait connaître (La Grève, 1924 ; Le Cuirassé Potemkine, 1925 ; Octobre, 1927 ; La Ligne Générale, 1929 ; Que Viva Mexico !, 1932 ; Alexandre Nevski, 1938 ou encore Ivan le Terrible, 1944-46), mais aussi ses expérimentations théâtrales, ses dessins riches de symboles, tracés à la ligne claire, ou ses projets inachevés. L’exposition retrace la méthodologie et l’approche visionnaire du cinéaste, aux productions fortement liées à l’histoire russe mais aussi à ses nombreux voyages en Europe, au Mexique et aux Etats-Unis, à ses lectures et à ses rencontres.

Si, de son vivant, Eisenstein fut un artiste que le monde entier s’arrachait et dont le travail et la pensée bouleversaient les esprits, cette aura s’est aujourd’hui considérablement amoindrie, du fait que l’oeuvre cinématographique d’Eisenstein n’est plus diffusée de manière systématique via les ciné-clubs. De même, la complexité et la portée des accomplissements d’Eisenstein ont été longtemps sous-estimées en raison d’interprétations essentiellement idéologiques réduisant son travail au seul contexte de l’URSS communiste et à ses relations avec Staline. L’exposition L’Oeil extatique. Sergueï Eisenstein à la croisée des arts entend donc faire découvrir et redécouvrir au public français et européen un nom majeur du septième art et de la culture mondiale, un homme considéré comme le « Léonard de Vinci russe », et qui, le premier, se présenta comme un cinéaste en habits d’artiste. Il s’agit ainsi d’insister sur l’Eisenstein faiseur, amateur, collectionneur commentateur et monteur d’images, un Eisenstein visionnaire, toujours soucieux d’expérimentation radicale et d’affecter profondément et durablement le spectateur.

En s’appuyant sur le vaste éventail de références mobilisées par Eisenstein dans son travail, cette confrontation entre images fixes et images en mouvement permet de dévoiler de manière exemplaire la manière dont un créateur fabrique ses images, à un moment où la question de la genèse artistique est devenue centrale. L’exposition s’appuie sur un dialogue avec l’histoire de l’art, il s’agit de montrer comment Eisenstein se nourrit, dans ses travaux, des chefs-d’oeuvre de l’histoire de l’art mondial, d’oeuvres de ses contemporains russes et étrangers, mais aussi et surtout du patrimoine artistique précédant l’apparition du cinéma, aussi bien peinture, sculpture, gravure, dessin, architecture. L’exposition montre aussi l’intérêt et l’appétence d’Eisenstein pour les cultures populaires (américaine, russe, européenne), dans une abolition des hiérarchies qui est représentative de sa logique associative.

Eisenstein, en tant que théoricien, relit l’histoire de l’art à la lumière du cinéma. En effet, le cinéma ne représente pas tant pour Eisenstein un médium qu’une opération de pensée, une matérialisation de processus psychologiques profondément ancrés en l’homme depuis la nuit des temps. A cet égard, le cinéma lui permet de repenser l’intégralité de l’histoire de l’art et de la culture mondiale, ce qui se traduit dans l’exposition par une galerie de peintures et de sculptures qu’Eisenstein analyse en termes cinématographiques et dont certaines peuvent également, à sa suite, être interprétées à travers le prisme du cinéma. L’histoire de l’art eisensteinienne est délibérément anachronique et déhiérarchisée, ouverte aux cultures extra-occidentales. Le Centre Pompidou-Metz propose avec cette exposition une redécouverte du septième art, à travers l’une des figures les plus marquantes de son histoire.

Commissaires : Ada Ackerman, chargée de Recherches au CNRS/THALIM, historienne de l’art et Philippe-Alain Michaud, conservateur au Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, chef du service du cinéma expérimental 
Chargée de recherches : Olga Kataeva, artiste et chercheuse

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