Histoire Épistémologie Langage

Linguistique et anthropologie au début du 20e siècle 44-2 | 2022

Sous la direction de Chloé Laplantine

La revue Histoire Épistémologie Langage (HEL) a été créée en 1979. Elle est publiée par la Société d’histoire et d’épistémologie des sciences du langage (SHESL) dont elle poursuit les objectifs : « fonder un espace de réflexion, nourri par les hypothèses de l’histoire, qui met en perspective, et de l’épistémologie, qui regroupe et apprécie les descriptions méthodologiques1  ». Elle soutient que le développement d’une science ne peut se passer de la maîtrise de son histoire et de ses méthodes. Ainsi, depuis sa création, HEL publie les résultats d’investigations menées sur des époques et des aires géographiques variées2 , des courants3 , des problématiques traversant l’histoire4 , ou des problèmes propres à la discipline5 .

HEL est l’une des quatre revues internationales dans le champ de recherche en histoire des sciences du langage (les trois autres étant Historiographia Linguistica, Beiträge zur Geschichte der Sprachwissenschaft, Language & History). HEL fait rayonner de manière internationale les travaux d’une discipline rare, l’histoire de la linguistique, discipline développée dans un laboratoire unique en son genre au niveau mondial, le laboratoire Histoire des théories linguistiques6 , fondé en 1984.

HEL publie deux numéros par an. Chaque numéro contient habituellement un dossier thématique, des articles varia, des comptes rendus et, parfois, des éditions de textes, des traductions, des articles de discussion et des hommages.

HEL est librement accessible sur Persée (1979-2019) et OpenEdition Journals (depuis 2020).

Le numéro 44-2 paru en janvier 2023 s’ouvre par un hommage au philosophe du langage et grand connaisseur de Port-Royal, Jean-Claude Pariente, décédé récemment. Il se poursuit par un dossier thématique intitulé « Linguistique et anthropologie au début du 20e siècle », puis par deux articles varia, et par des comptes rendus.

Dirigé par Pierre-Yves Testenoire, le dossier thématique « Linguistique et anthropologie au début du 20e siècle » interroge les relations entre savoirs anthropologiques et savoirs linguistiques dans une période de constitution des domaines disciplinaires. Dans son introduction, Pierre-Yves Testenoire pose deux bornes chronologiques, deux textes intitulés semblablement « Linguistique et anthropologie » écrits à quatre-vingt-dix ans de distance, et qui témoignent des déplacements opérés dans les configurations disciplinaires et dans les préoccupations idéologiques et intellectuelles : en 1862, un texte de Paul Broca qui décrédibilise la théorie d’une corrélation entre traits physiques et traits linguistiques (geste que répètera Franz Boas dans The Mind of Primitive Man en 1911), séparant ainsi l’étude de l’histoire des langues et de l’histoire de l’humanité ; et à l’autre extrémité, en 1952, un texte de Claude Lévi-Strauss dans le contexte de discussions agitant linguistes et anthropologues aux États-Unis à la recherche de correspondances entre catégories linguistiques et culturelles et de correspondances de méthode entre les deux disciplines, discussions dépeintes comme un « carrousel du diable » où linguistes et anthropologues se courent après sans jamais pouvoir se rejoindre.

Les articles réunis dans ce dossier jettent un regard sur quatre horizons de recherche très distincts : la fondation de l’anthropologie linguistique américaine et la place centrale donnée aux textes autochtones et à la voix des autochtones eux-mêmes ; la tension entre données empiriques et dogme catholique dans les recherches typologiques à grande échelle du père Wilhelm Schmidt ; le rôle d’Antoine Meillet dans l’orientation et la réception des travaux sur la poésie orale menés par trois de ses élèves (Jean Paulhan, Marcel Jousse et Milman Parry) ; et, enfin, l’influence des aspects linguistiques de l’anthropologie de Bronislaw Malinowski sur les théories du linguiste John R. Firth, en s’intéressant particulièrement à la notion de contexte de situation et à la distinction de fonctions du langage. 

Ces quatre explorations font apparaître des contextes idéologiques et intellectuels assez distincts, et en même temps des points communs se font jour : la dimension à grande échelle des enquêtes et l’enregistrement massif de données ethnologiques et linguistiques, ceci impliquant une multiplicité d’acteurs et la création de réseaux nouveaux (dans le cas du Bureau of American Anthropology, de Franz Boas ou Wilhelm Schmidt) ; des transferts disciplinaires (dans le cas des recherches de Bronislaw Malinowski et de John R. Firth, ou de la notion de « formule » dans la poésie orale prise dans un va-et-vient disciplinaire) ; le poids des enjeux idéologiques dans les discussions touchant à la langue et à la culture (dogme chez Wilhelm Schmidt, vigilance et avancées éthique et politique chez Franz Boas).

La rubrique varia est composée de deux articles : « Averroès grammairien » consacré au court traité de grammaire arabe rédigé par Averroès sous le titre Al-Ḍarūrī fī ṣināˁat al-naḥw (« L’indispensable dans l’art de la grammaire »), et « Le nom, le verbe, et ainsi de suite. Éléments de réflexion portés au débat sur la justification de l’ordre canonique des parties de phrase chez Apollonius Dyscole » qui revient sur la mise en place de l’ordre des parties du discours dans la tradition grecque (nom, verbe, participe, article, pronom, préposition, adverbe, conjonction) en tâchant d’apporter un éclairage nouveau sur la proposition d’Apollonius Dyscole au début de sa Syntaxe : « L’ordre en question est une image de la phrase complète ».

Le numéro se termine par la rubrique consacrée aux comptes rendus. Dans cette livraison, on trouvera des recensions d’ouvrages sur des problématiques variées : les grammaires de Noam Chomsky, la notion de transcatégorialité dans les langues, de nouvelles éditions de livres du De lingua latina de Varron, et la notion de sentiment linguistique chez Ferdinand de Saussure.

Histoire Épistémologie Langage

Directrice des publications : Chloé Laplantine, chargée de recherche CNRS au sein du laboratoire Histoire des Théories Linguistiques (HTL)

  • 1HEL 1(1) (1979) : 1 [disponible en ligne : https://www.persee.fr/doc/hel_0750-8069_1979_num_1_1_1024 ].
  • 2À titre d’exemples : « Eudes sur les grammairiens grecs » (1985), « Grammaires médiévales » (1990), « Les grammaires indiennes » (1998), « La linguistique chinoise : influences étrangères entre xixe et xxe siècles » (2019).
  • 3« Histoire de la sémantique » (1993), « La linguistique cognitive : histoire et épistémologie » (2012), « Le naturalisme linguistique et ses désordres » (2007).
  • 4« Logique et grammaire » (1984), « L’esprit et la langue » (1996), « Politiques linguistiques » (2002 et 2003).
  • 5« Épistémologie de la linguistique » (1991), « Théories et données » (1991), « Histoire des idées linguistiques et horizons de rétrospection » (2006 et 2011).
  • 6Histoire des théories linguistiques (HTL, UMR7597, CNRS / Université Paris Cité / Université Sorbonne Nouvelle).