Tracés, revue de Sciences humaines

Ecologiques. Enquête sur les milieux humains, n° 22, mai 2012

Depuis sa création en 2002, la revue de sciences humaines Tracés, éditée par ENS Éditions, réunit deux fois par an des auteurs issus de diverses disciplines autour d’un thème ou d’un problème commun traversant les sciences humaines. Parfois, il s’agit de rendre compte d’un débat ancien qui a pris un tour nouveau en raison de l’actualité éditoriale ou d’événements politiques. D’autres fois, l’ambition est de soumettre à une interrogation croisée une notion que les multiples traditions intellectuelles et disciplinaires abordent en ordre dispersé. La conviction profonde de Tracés est que le dialogue interdisciplinaire est non seulement possible mais fécond.

Ce numéro 22 intitulé "Écologiques. Enquêtes sur les milieux humains", est consacré aux différentes formes d’enquête écologique qui se diffusent aujourd’hui dans les sciences humaines, et vise à questionner le mode de connaissance spécifique que ces recherches mettent en œuvre. Comment est-on passé de l’écologie comme objet d’enquête pour les sciences humaines à l’écologie comme modèle d’enquête possible ? La diversité des objets et thématiques abordées – écoféminisme, écosocialisme, histoire environnementale, écologie politique, écologie de l’action ou écoanthropologie… – permet ainsi de cerner l’extension de la présence de l’écologie dans le champ des sciences humaines et d’en interroger les fondements, usages et portée.
Par-delà la multiplicité des perspectives et des objets envisagés, la valeur heuristique des approches en termes de milieu, provoque une attention renouvelée aux phénomènes ordinairement pris en charge par les sciences humaines, déplace les frontières entre les catégories classiques et les disciplines qui forment ce paysage intellectuel. 
Et si la dynamique des faits sociaux relevait moins d’une logique interne à l’organisation des hommes entre eux qu’à un ensemble d’interactions entre ces derniers et leur milieu ?

Anthony Pecqueux cherche à mettre en place une méthode unifiée d’approche du fait urbain, conçue à partir d’une description écologique des expériences urbaines, et interroge sa portée morale voire politique. Il est question de souligner de quelles manières l’écologie urbaine apporte des éclairages nouveaux sur le lien social urbain, le fondement sensible du lien social urbain pouvant être le révélateur de rapports différenciés à l’espace public.
L’article de Natalia La Valle aborde la temporalité du quotidien de quelques familles au sein de leur espace domestique par une approche écologique des activités familiales dans le foyer. La famille se laisse décrire comme une unité écologique... et la notion d’écologie temporelle permet de repenser la relation au temps (temporalité partagée), de promouvoir une réappropriation de la quotidienneté, de mettre en lumière une temporalité distribuée dans l’habitat et entre les habitants. 
L’objectif du texte de Martín Tironi est d’offrir un "récit des origines" de l’élaboration de l’infrastructure de transport Vélib’, à travers la description d’un moment spécifique : les controverses liées aux différentes propositions "écologiques" qui sont nées au moment de la conception du projet. Il apparaît ainsi que le Vélib’ est un objet hétérogène hybride façonné par des paradigmes économiques et architecturaux et par des conceptions de l’écologie et de la ville.
Dans de l’écologie symbolique à l’écologie politique, Baptiste Gille présente l’émergence d’un nouveau type de justifications écologiques de protection des non-humains qui ne mobilise ni le concept de nature, ni la différence entre personnes et choses. Ces nouvelles règles d’écologie symbolique sont utilisées sur la côte nord-ouest du Canada chez les Salish côtiers à des fins de revendications territoriales et politiques. 
L’écoféminisme met en relation deux formes de domination : celle des hommes sur les femmes, et celle des humains sur la nature. Catherine Larrère en examine plusieurs variantes, un écoféminisme culturel, qui se réclame d’une éthique du care, et un écoféminisme plus social et politique.

 

La Revue Tracés